A moins d’un mois de l’élection présidentielle du 23 décembre, les acteurs de chaque camp se mobilisent pour faire entendre leurs positions. Le processus électoral fait l’objet de toutes les attentions. Ce vendredi, une manifestation de l’opposition pour demander le retrait de la machine à voter est prévue à Kinshasa. Par ailleurs, une ONG constate et s’émeut d’un déséquilibre dans le temps de parole des candidats dans les médias publics.
Alors que l’opposition, réunie à Pretoria, a colmaté la brèche ouverte dans la semaine par l’UDPS sur la fameuse machine à voter et à ne pas boycotter le scrutin, la Majorité présidentielle appelle de son côté « les populations congolaises à la vigilance et à s’approprier la souveraineté du processus électoral ».
Alain André Atundu, son porte-parole, s’est exprimé jeudi, à la veille de la marche de protestation contre la machine à voter, initiée par l’opposition qui sera suivie samedi 27 octobre par le premier meeting du Front commun pour le Congo.
Selon le porte-parole de la Majorité, il faut sauver le processus électoral. « Au moment où le processus électoral nous conduit inexorablement à la date décisive du 23 décembre 2018, au moment où le passage d’un audit britannique et celui de l’importante délégation du Conseil de sécurité n’ont enregistré aucune hostilité sur le processus électoral et sur ses modalités d’exécution, au moment où les expérimentations et les démonstrations faites sur la machine à voter ne permettent plus un doute raisonnable et crédible quant à son efficacité et à son opérationnalité, naît un courant malsain de pensée antidémocratique, animé par certaines personnalités de la communauté internationale, pour préconiser un report des élections », constate Alain André Atundu.
« Les motifs invoqués sont aussi incongrus que fantaisistes, poursuit-il. En somme, il s’agit d’une autre version du plan ‘transition sans Kabila’. Au regard de cet horizon chargé de menaces pour notre démocratie et pour nos populations, la majorité présidentielle appelle à une vigilance accrue pour sauvegarder la souveraineté de l’Etat et la dignité de notre peuple. »
L’Eglise réclame du dialogue
De son côté, l’archevêché catholique de Kinshasa s’est exprimé sur le sujet de la machine de vote au micro de notre correspondant au Vatican, Eric Sénanque. L’Eglise craint de « l’énervement de certains citoyens ».
« L’Eglise a toujours dit : il faudra que la majorité et l’opposition puissent se mettre ensemble, chercher ensemble à trouver un compromis. Un consensus politique. Nous avons été aidés dans ce travail par une fondation qui est venue d’Angleterre. Ils ont travaillé sur la machine et ils ont fait des recommandations à la Céni qui touchent à la fiabilité, à la crédibilité de cette machine.
Les uns et les autres devraient s’asseoir autour de ces points et voir si la Céni les a prises en considération. Nous craignons qu’il y ait de l’énervement de la part de certains concitoyens si cette question de la machine à voter n’est pas prise au sérieux. La manifestation qui est annoncée participe à cette crainte que nous avons. »
Déséquilibre dans le temps de parole médiatique, selon une ONG
Au-delà de la machine, la campagne électorale, partie prenante du processus électoral, est également scrutée. Le collectif d’ONG Symocel met en garde les médias contre un accès inégalitaire réservé aux différents candidats à la présidentielle du 23 décembre. Symocel pointe notamment le fait qu’un discours largement négatif sur l’opposition est constaté dans 77% des émissions sur la première chaîne de télévision publique, la RTNC1.
« Le sentiment est assez inquiétant, regrette Luc Lutala, porte-parole de ce collectif de 11 organisations de la société civile. D’abord, il y a la question des médias publics – la RTNC1, la radiotélévision -, et des médias qui couvent tout le pays. Si vous considérez, par exemple, la RTNC, il est signalé de manière assez claire qu’à part la RTNC2 qui fait des efforts pour gérer un équilibre, les médias publics donnent beaucoup plus accès aux partis de la majorité », a-t-il remarqué.
Pour le militant, il est important que « le CSAC [Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication NDLR] rappelle les règles du jeu, la loi sur l’accès aux médias ». « On espère que le CSAC pourra recadrer rapidement les choses, sinon on risque de vivre le dérapage. Surtout si l’on tient compte de ce que ce déséquilibre s’accompagne de propos incendiaires. Vous avez des journalistes qui choisissent leur camp et vous avez des acteurs politiques dans la propagation des propos incendiaires. Et là, c’est l’occasion de rappeler les journalistes àbeaucoup plus de professionnalisme », estime M. Lutala.