En accélérant la fonte des glaciers et en modifiant la répartition des masses d’eau à la surface de notre planète, le changement climatique a modifié l’emplacement des pôles et l’axe de rotation de la Terre, selon une étude scientifique.
Quelques degrés de plus, et la Terre ne tourne plus rond. Selon une étude (en anglais) publiée mercredi 21 avril dans la revue Geophysical Research Letters, le changement climatique, et plus précisément la fonte des glaciers, a entraîné un changement de l’axe de rotation de notre planète dans les années 1990.
En plus de tourner autour du soleil, la Terre tourne sur elle-même autour de l’axe des pôles géographiques, une droite imaginaire qui relie le pôle Nord au pôle Sud. L’emplacement de ces pôles est toujours en mouvement. Mais, en 1995, la direction de la dérive polaire s’est brutalement déplacée du sud vers l’est, indique l’étude réalisée par des scientifiques de l’université de l’Académie des sciences de Chine. La dérive est également bien plus rapide depuis cette date, puisque sa vitesse moyenne entre 1995 et 2020 a été multipliée par dix-sept par rapport à celle enregistrée entre 1981 et 1995.
Parmi les facteurs de cette dérive, la répartition de l’eau à la surface de la Terre — aussi appelée stockage de l’eau sur Terre — bouleversée par le changement climatique. « La fonte plus rapide des glaces sous l’effet du réchauffement climatique est la cause la plus probable du changement de direction de la dérive polaire dans les années 1990 », indique ainsi Shanshan Deng, doctorante à l’Institut des sciences géographiques et de la recherche sur les ressources naturelles de l’université de l’Académie des sciences de Chine et autrice principale de l’étude.
Des données recueillies par satellite
La fonte des glaciers en Alaska, au Groenland, dans les Andes méridionales, en Antarctique, dans le Caucase et au Moyen-Orient s’est accélérée au milieu des années 1990, devenant le principal moteur poussant les pôles de la Terre à une dérive soudaine et rapide vers 26° E à un rythme de 3,28 millimètres (0,129 pouce) par an. L’intensité de la couleur sur la carte montre où les changements dans l’eau stockée sur Terre (principalement sous forme de glace) ont eu l’effet le plus fort sur le mouvement des pôles entre avril 2004 et juin 2020. Les graphiques en médaillon représentent le changement de la masse des glaciers (en noir) et le changement calculé de l’eau sur terre (en bleu) dans les régions où l’influence est la plus forte. Crédit : Deng et al (2021), {Geophysical Research Letters}/AGU.
Pour en arriver à cette conclusion, la doctorante et son équipe se sont appuyés sur les données recueillies par les deux satellites de Grace (Gravity Recovery and Climate Experiment), menée par la Nasa et le Centre aérospatial allemand. Cette mission, menée en 2002 puis en 2018, avait pour objectif de mesurer les changements de gravité en différents points de la planète pour calculer la répartition globale des masses d’eau. Ces données avaient déjà permis de déterminer les causes de changements ultérieurs dans l’axe polaire. « L’objectif de ce projet, financé par le ministère chinois des Sciences et des Technologies, était d’explorer la relation entre l’eau et le mouvement polaire », explique Suxia Liu, hydrologue à l’Institut de recherche sur les sciences géographiques et les ressources naturelles de l’université de l’Académie des sciences de Chine et auteur correspondant de l’étude.
Le changement dans l’axe polaire survenu en 1995 ne s’explique pas uniquement par la fonte des glaciers, dit Shanshan Deng. La doctorante émet ainsi l’hypothèse que d’autres changements dans le stockage de l’eau terrestre, liés par exemple au pompage intensif des eaux souterraines pour l’agriculture, auraient participé à ce phénomène.