Côte d’Ivoire/Mon regard sur les organisations syndicales. Genèse de la violence dans les campus et cités universitaires.

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La violence en milieu universitaire ne cesse de s’intensifier en Côte d’Ivoire. UNEECI, MEECI, FESCI, AGEECI, CEECI…Toutes ces organisations syndicales estudiantines en Côte d’Ivoire ont en commun, la violence. S’il fallait les personnaliser, l’on serait en droit de dire que la violence leur est congénitale. Tous les pouvoirs politiques qui se sont succédé  jusqu’ici ne sont pas parvenus à  les dompter. Impuissants devant leur diktat, ils ont fini par les adopter pour leurs intérêts politiques. Les enlèvements de pairs étudiants suivis de tortures et meurtres sont leur lot quotidien. Gare à  celui qui va oser s’opposer à  elles.

Dénominateur commun, une naissance dans la violence.

Tout commence avec l’UNION des ÉLÈVES et ÉTUDIANTS de CÔTE D’IVOIRE en 1969. Le Congrès de l’UNEECI créé en 1957 qui opposait Koné Tiemoko, candidat sortant et Laurent Gbagbo tourne au vinaigre, avec des troubles qui secouent le campus de Cocody. Houphouët prend la décision de dissoudre l’UNEECI et met en place le MEECI. Une partie des étudiants décide de manifester, l’armée intervient sur le campus. Les meneurs des étudiants « rebelles » dont Laurent Gbagbo, sont envoyés au camp de redressement militaire d’Akouedo. Houphouët Boigny convoque les deux tendances de la jeunesse estudiantine à une rencontre de réconciliation à Yamoussoukro. Le groupe de l’UNEECI dissout est représenté par Laurent Gbagbo, alors âgé de 24 ans, étudiant en histoire et celui du MEECI nouvellement créé, par Alphonse Djédjé Mady, lui aussi âgé de 24 ans, étudiant en médecine. La paix revient sur le campus de Cocody, après cette rencontre.

Le Mouvement des étudiants et élèves de Côte d’Ivoire (MEECI), une organisation syndicale et politique d’élèves et étudiants créée en 1969 à suite de la dissolution par les pouvoirs publics ivoiriens de l’Union nationale des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (UNEECI).

Le MEECI est resté jusqu’à sa disparition en 1990, une section particulière du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA).

La FESCI est à son tour créée dans les années 1990. Il s’agissait pour les étudiants, conduits par Martial Joseph Ahipeaud, le premier secrétaire général de leur organisation, de lutter pour réclamer certains droits qui ne leur étaient pas reconnus sous le régime du parti unique, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Le syndicat est historiquement proche de ce qui était alors le principal parti d’opposition, le Front populaire ivoirien (FPI). Au début de son existence, la FESCI soutient la démocratisation du pays qui abandonne peu à peu le régime du parti unique. Mais pour lutter et se défendre contre le régime du PDCI, les membres de la FESCI s’entraînent et se structurent de manière quasi-militaire. Cette culture militaire va rester ancrée dans le fonctionnement de ce syndicat pendant la lutte démocratique des années 1990 et s’intensifier avec Blé Goudé qui sera régulièrement arrêté par les autorités.

La machette s’introduit dans les campus sous le régime Gbagbo

En 2000, avant même que Laurent Gbagbo parvienne au pouvoir, éclate la « guerre des machettes » entre des étudiants issus de deux factions rivales de la FESCI qui se battent pour le contrôle des campus. Une tendance est favorable à Laurent Gbagbo quand l’autre pactise avec Alassane Ouattara. Chaque tendance investit un secrétaire général différent l’année suivante, Jean-Yves Dibopieu pro-Gbagbo pour l’une et Paul Gueï pro-Ouattara pour l’autre, tandis que les affrontements se poursuivent et culminent au mois d’avril 2001. La faction pro-Gbagbo l’emporte. Dans les années 2000, la FESCI opère comme une véritable milice pro-Gbagbo qui recrute ses troupes dans les collèges et lycées, et une mafia rackettant en milieu étudiant.

En 2007 un crime est perpétré contre un étudiant sur le campus de l’Université de Cocody par un groupe d’étudiants membres de la FESCI.

Des étudiants membres de la FESCI intègrent l’administration d’État (police, gendarmerie, justice…) en négociant avec le pouvoir qui cherche à limiter leur capacité de nuisance, en particulier la violence dont ils sont capables. Ouattara fait comme Gbagbo en continuant à intégrer dans l’administration d’État, des étudiants de la FESCI. Certains Fescistes débutent ensuite une carrière politique (Blé Goudé, Guillaume Kigbafori Soro, Ahipeaud Martial…).

Exactions de la FESCI

En 2004, le lycée international Jean- Mermoz, un des symboles de la présence française en Côte d’Ivoire, est détruit de fond en comble par des membres de la FESCI venant des cités et du campus de l’Université Félix Houphouët-Boigny proche de l’établissement, à la suite de la destruction de l’aviation militaire ivoirienne en représailles du bombardement de Bouaké.

En mai 2007, elle saccage des bureaux de la Ligue des droits de l’homme.

Ouattara accède au pouvoir et une certaine sagesse gagne la FESCI

Le 17 avril 2011, la FESCI appelle ses membres à déposer les armes et participer à « la réconciliation et la reconstruction » voulue par le président Alassane Ouattara. SEn juillet 2016, à la suite de grèves estudiantines ayant donné lieu à des violences, la FESCI, comme tous les syndicats étudiants du pays, est suspendue. Mais elle renaît toutefois de ses cendres mais doit faire face à de nouveaux syndicats estudiantins aidés par le gouvernement. Elle est obligée de ne pas se faire trop remarquer de crainte d’être ciblée par le régime. Ce qui l’amène à ne  plus s’exprime sur les sujets de politique nationale, mais à se focaliser sur son rôle de syndicat étudiant. Pour autant, elle n’abandonne pas ses pratiques.En février 2023, une enquête de l’ONG Citoyennes pour la promotion et la défense des droits des enfants, femmes et minorités (CPDEFM) révèle de nombreux cas de violences à caractère sexuel commis par des membres de la FESCI à l’Université Félix-Houphouët- Boigny, et dénonce l’inaction des autorités de l’université et de l’État. Des membres de la FESCI sont accusés dans environ 40 % de ces cas d’exactions.

Le tout puissant syndicat a pour siège le « Pentagone ». Un petit pavillon peint en violet et blanc, situé au sommet d’une colline, derrière des immeubles de résidences universitaires, sur l’immense campus de l’Université de Cocody.

En voici la liste de ses secrétaires généraux

-Laurent Alexis Koné (21-23 avril 1990)

-Ahipeau Martial (27 avril 1990-septembre 1993)

-Eugène Kouadio Djué (1993-1994)

-Jean Blé Guirao De Badéa (1994-1995)

-Guillaume Kigbafori Soro (surnommé général Bogota) (1995-1998), devenu chef de la rébellion des Forces Nouvelles (FN)

-Charles Blé Goudé (surnommé général Gbapê) (1998-2001), devenu chef des Jeunes patriotes et ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo

-Jean-Yves Dibopieu (surnommé le Pieu) (2001-2003)

-Serge Kuyo (surnommé général Terrain) (2003-2005)

-Serge Koffi (surnommé Sroukou Trinmin Trinmin) (2005-2007)

-Augustin Mian (surnommé général Maniconco) (2007-2014)

-Assi Fulgence Assi (surnommé le Gozinango) (2014-2019)

-Allah Saint Clair (2019-2024)

(Surnommé Général Makélélé)

-Sié Kambou (depuis 2024)

Quelques anciens membres notables (cette liste n’est pas exhaustive)

-Sidiki Konaté un des membres fondateurs de la FESCI

-Michel Gbago, fils de Laurent Gbagbo

-Damana Adia Pickass

-Alphonse Soro, homme politique ivoirien.

Un groupement estudiantin rival, l’Association Générale des Élèves et Étudiants de Côte d’Ivoire (AGEECI), voit le jour en 2004 dont l’un des membres fondateurs était Habib Dodo qui sera combattu, traqué et finalement tué par ses camarades de la FESCI.

Le Comité des Elèves et étudiants de Côte d’Ivoire (CEECI) basé à Bouaké règne en maître sur les deux campus de l’Université Alassane Ouattara. Cet autre syndicat dont les pratiques ne diffèrent pas totalement de celles des autres syndicats à Abidjan, peut être vu dans l’apparence comme moins mafieux que les autres. Mais son mode de fonctionnement reste le même avec des membres étudiants qui s’entrainent comme une milice aux yeux et au su de tous à Bouaké. Il faut déjà faire attention.

Des actes de barbarie, viols, intimidations, agressions de d’enseignants et de camarades étudiants récurrents sur les campus sont le dénominateur commun de tous ces syndicats. Mais la palme d’or de tous ces travers revient à la FESCI.

Une des attaques les plus tristement célèbres menées par la FESCI s’est soldée par la mort de l’un des membres fondateurs de l’AGEECI, Habib Dodo, également leader de l’aile jeune du parti communiste, enlevé et pendu sur le campus. Son camarde Richard Kouadio, avait lui presque été battu à mort et abandonné sur la route de Bassam, sauvé par l’ONUCI.Mais avant Habib Dodo, il faut citer Thierry Zébié Zirignon de son vrai nom Sinon Aimé, dont la mort a été aussi attribuée à la FESCI, moins de deux ans après sa création (le lundi 17 juin 1991). Les Fescistes l’accusaient d’être un loubard à la solde du pouvoir PDCI.

In fine la mort très récente de l’étudiant de 49 ans en master 2 d’Anglais à l’Université d’Abobo-Adjamé, Agui Mars Aubin Deagoué dit « Général sorcier », principal opposant de l’actuel SG de la FESCI, Sié Kambou, sonne de trop. Et les nombreux Ivoiriens déjà lassés par le comportement dérangeant de la FESCI, se lèvent pour demander que ce meurtre ne reste pas impuni. Mieux, ils demandent que les comptes soient réglés définitivement à ce syndicat qui outrepasse ses prérogatives d’organisation estudiantine. Les regards restent donc tournés vers la suite de l’enquête et l’avenir de la FESCI voire des autres organisations d’étudiants.

JPH

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