Coronavirus/Le virus sera-t-il à la base d’une autre guerre froide ?

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Cette polémique sur l’origine du coronavirus et la façon de le combattre jette une lumière crue sur la rivalité et les relations déjà très tendues entre les deux superpuissances. Tout semble constituer une occasion en or pour marquer des points dans la lutte d’influence qui oppose Washington à Pékin. Même le coronavirus.

Chacun se sert de la guerre des mots et de la désinformation pour faire oublier ses propres erreurs. « Que ce soit Pékin ou Washington, aussi bien l’un que l’autre cherche à utiliser cette crise afin de renforcer sa position »,estime Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et enseignant à Sciences Po. Selon lui, « la Chine cherche à minimiser ses erreurs et à redorer son image, et au fur et à mesure que la crise s’accroît aux États-Unis et qu’elle semble se stabiliser en Chine, la Chine cherche à en tirer parti ».

La propagande chinoise met en musique une « diplomatie du virus »

Le président chinois Xi Jinpingaprès avoir perdu un temps précieux pour juguler l’épidémie avant qu’elle ne dépasse les frontières du pays, glorifie aujourd’hui sa victoire toute relative contre le fléau. Le rouleau compresseur de la propagande d’État met en musique une véritable diplomatie du coronavirus. Masques, médicaments et matériel sanitaire sont envoyés partout où ils font défaut, de l’Italie à l’Iran en passant par la Serbie et la Syrie, sans oublier de nombreux pays africains.

Le président américain pense, lui aussi, pouvoir tirer profit de ses piques anti-Pékin. En pointant du doigt le manque de transparence de la Chine, Donald Trump compte détourner l’attention de sa propre gestion calamiteuse de la crise, à quelques mois d’une élection difficile.

Une nouvelle guerre froide en vue ?

Le virus poussera-t-il les deux superpuissances vers une nouvelle guerre froide ? C’est en tout cas ce que les faucons pro-Trump veulent croire. Mais, attention, ce sera une guerre froide bien plus vaste que celle qui opposait, dans la seconde moitié du XXe siècle, les États-Unis à l’Union soviétique, avertissent les experts. « Ces puissances-là sont en rivalité dans tous les domaines, militaire, technologique et politique même, dans la mesure où la Chine assure la promotion de son système de gouvernement face aux Occidentaux »souligne Alain Frachon, auteur du livre La Chine contre l’Amérique – le duel du siècle. Pour cet éditorialiste, « la rivalité est totale et elle se déroule dans un cadre très particulier ».Alors que l’Union soviétique et les États-Unis n’avaient quasiment pas de relation, la Chine et les États-Unis sont, eux, interdépendants.

Qui s’imposera dans la course aux vaccins ? Qui sortira le premier la tête de l’eau après le plongeon des Bourses ? Celui qui gagnera la compétition dominera son adversaire.

« On est dans une lutte de leadership, ni plus ni moins »

Barthélémy Courmont, maître de conférences à l’université catholique de Lille, parle, lui, d’une « soft war », d’une « guerre douce » entre une Chine décomplexée et une Amérique repliée sur elle-même en perte de vitesse : « On n’est pas du tout dans une conflictualité comparable à ce qu’on a connu pendant la guerre froide, mais dans une rhétorique, parfois très agressive, où on va systématiquement profiter de chaque crise pour essayer de prendre l’ascendant sur l’autre ».Au-delà des questions économiques et commerciales, on le constate aussi avec la crise sanitaire inédite, analyse Barthélémy Courmont : « On est dans une lutte de leadership, ni plus ni moins, et dans un combat d’image à l’échelle internationale ».

Le succès chinois « en trompe-l’œil »

Un combat d’image qui oppose aussi deux systèmes de gouvernance : nos démocraties occidentales et les régimes autoritaires comme celui de la Chine. La presse d’État ne cesse de vanter les mérites de la« voie chinoise » qui aurait vaincu le virus grâce au contrôle absolu de la population, à l’instar de cet article du Quotidien du peuple qui précisait, le 10 mars, qu’il convient de « refléter les avantages significatifs du système socialiste aux caractéristiques chinoises ».

En ces temps de confinement et de mesures drastiques, des voix s’élèvent même en Occident pour dire à quel point nos démocraties libérales sont désarmées face à une pandémie. Le succès chinois est toutefois un « succès en trompe-l’œil », estime le chercheur Antoine Bondaz. « Évidemment, des pays qui ne sont pas des régimes autoritaires, que ce soit la Corée du Sud ou Taïwan, arrivent, eux, à contrôler l’épidémie. Il faut donc tout faire pour éviter de tomber dans une binarité qui serait de dire : « Les régimes autoritaires réussissent là où les démocraties ne parviennent pas à le faire ». »

Aujourd’hui, en pleine crise sanitaire mondiale, aucune union sacrée contre la menace commune ne se dessine à l’horizon. Pékin et Washington semblent trop occupés à réécrire l’histoire à leur avantage. Le virus n’est qu’un nouveau foyer de tensions dans ce bras de fer qui survivra, lui, à la pandémie.

Avec Rfi. Le titre est de la rédaction

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