Côte d’Ivoire/Camille Alliali, fidèle compagnon de Félix Houphouët-Boigny rompt le silence

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Il était présent au 25è anniversaire du décès du premier Président de la Côte d’Ivoire moderne. Celui que l’on appelle le doyen Camille Alliali esr sorti de sa réserve. Il évoque ses souvenirs du vieux, invite les Ivoiriens à l’entente et demande aux héritiers de son ancien patron à éviter une autre guerre au pays.

C’est avec un réel plaisir que j’ai accepté de participer aux festivités marquant le vingt-cinquième anniversaire du rappel à Dieu du Président Félix Houphouët-Boigny, fondateur du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et du Rassemblement  démocratique africain (RDA) et premier président de la République de Côte d’Ivoire.

Au-delà de ses fonctions officielles, il a été pour moi à la fois un père, un guide et un maître dont j’ai été et demeure le disciple. Le Président Félix Houphouët-Boigny, avant de quitter cette terre des hommes, avait demandé à tous ceux qui se réclamaient d’être ses disciples de faire connaître son action et ses œuvres. Je ne fais donc que m’acquitter de ce devoir en acceptant de partager avec les cadres et les jeunes ivoiriens rassemblés ici ce matin, une petite partie de l’immense vie de cet homme qui a marqué l’histoire de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique noire.

Comme cela m’a été demandé, mon exposé comportera deux parties dont la première, consacrée à quelques aspects du parcours de Félix Houphouët-Boigny et la seconde aux valeurs qu’il défendait.

I- Le parcours de Félix Houphouët-Boigny

Sur le parcours de Félix Houphouët-Boigny, tout  ou presque tout a été déjà dit. De son vivant, il est longuement revenu sur sa vie en insistant sur ses origines, sa formation, son parcours professionnel et politique.

Nous n’allons pas nous attarder sur ces aspects. Retenons en quelques points :

La formation

Félix Houphouët naît le 18 octobre 1905 à Yamoussoukro. Il reçoit comme prénom baoulé, Djaha en hommage de reconnaissance à la divinité qui a permis sa naissance. Après sa conversion au christianisme en 1916, il prend le prénom chrétien de Félix. En 1946, il ajoute à son nom celui de son trisaïeul Boigny. Quant à sa formation, le jeune Houphouët Djaha est d’abord ce qu’il est selon les principes de l’éducation africaine que reçoit tout jeune villageois. Cette éducation africaine enseigne le respect des anciens, la solidarité, la fraternité et le savoir-être.

Inscrit à l’école française, le jeune Houphouët effectue les cinq années de l’enseignement élémentaire, et après l’obtention du certificat d’études, il est admis en 1915 au Groupe scolaire central de Bingerville qui est devenu par la suite Ecole primaire supérieure où il effectue trois années d’études. En 1918, Félix Houphouët réussit le concours d’entrée à l’Ecole normale William Ponty, au Sénégal, la capitale de l’Afrique occidentale française, en abrégé AOF. Après avoir passé avec succès trois années dans ces écoles, il achève sa spécialisation de médecine à l’Ecole de médecine de Dakar. Il sort major de sa promotion en 1925, comme mentionné dans le journal officiel de l’AOF de cette année.

Pendant ses années d’études, il est, selon le témoignage de ses condisciples, caractérisé par son calme, sa soif de connaissances et son esprit de camaraderie. Ce séjour sénégalais permet à Félix Houphouët de découvrir et d’observer les manifestations de la vie politique coloniale à travers les réunions politiques, les campagnes de presse, les joutes oratoires auxquelles donnaient lieu les élections dans les quatre communes du Sénégal en l’occurrence Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar dont les ressortissants  jouissaient de la citoyenneté française et pouvaient élire des représentants à l’Assemblée métropolitaine.

Le médecin

« UNE ANNÉE PLUS TARD, LE MÉDECIN MAJOR HENRY, CHEF DU SERVICE DE SANTÉ, ÉCRIT : « LE MÉDECIN AUXILIAIRE DE 3ÈME CLASSE HOUPHOUËT POSSÈDE DE RÉELLES QUALITÉS TECHNIQUES ET SE TIENT D’UNE FAÇON TRÈS DIGNE. »

Revenu de Dakar le 21 novembre 1925, Félix Houphouët exerça pendant trois années sa profession à l’hôpital d’Abidjan de novembre 1925 à avril 1927. Ses supérieurs hiérarchiques nous ont laissé des témoignages élogieux de ses états de service. Ainsi Louis Bouffard, médecin principal des troupes coloniales et chef du Service de santé de la Côte d’Ivoire, donne le 7 octobre 1926, l’appréciation suivante : « Excellent collaborateur qui, depuis un an qu’il sert à Abidjan, a fait preuve de belles qualités professionnelles et semble, s’il persiste dans la tracée, être appelé à un bel avenir. »Une année plus tard, le médecin major Henry, chef du Service de santé, écrit : « Le médecin auxiliaire de 3ème classe Houphouët possède de réelles qualités techniques et se tient d’une façon très digne. »

Ainsi le jeune médecin s’impose d’emblée par son assurance et son autorité que confèrent la compétence professionnelle et la considération de soi. Il mène une vie sobre en s’interdisant certains plaisirs comme la danse, l’alcool et le tabac. Il met sur pied une Amicale des agents africains du service de santé d’Abidjan. Cet activisme est  mal vu par ses supérieurs français qui le mutent à Guiglo, à l’Ouest de la colonie, dans une région encore sous administration militaire. Dans cette cité, il fait preuve de professionnalisme et ses supérieurs hiérarchiques peuvent-ils noter : « Je crois devoir faire connaître les magnifiques résultats qu’il a obtenus tant au dispensaire que dans les tournées faites presque toujours en ma compagnie. Le nombre des consultations a quadruplé depuis son arrivée et le charlatanisme a tendance à disparaître dans le cercle. (…) (II) a conquis la confiance de la plus grande partie de la population par ses soins de bienveillance et ses résultats. »

Et « ses résultats » concernent aussi bien la médecine curative que la médecine préventive, aussi bien les travaux d’assainissement que l’amélioration de l’habitat rural. Cela lui vaut une mutation le 17 septembre 1929 à Abengourou dans l’Est du pays. Dans cette région de l’Indénié, qui produit alors le tiers de la production ivoirienne de cacao, les intermédiaires du commerce de traite abusent des paysans. Félix Houphouët ne peut rester indifférent à cette grande détresse des paysans. Il publie, sous un pseudonyme dans le journal Le Trait d’union du 22 décembre 1932, un article, il est intitulé « On nous a trop volés. » A Dimbokro où il est muté par la suite, Félix Houphouët fait l’unanimité sur sa valeur professionnelle. Un rapport du 6 septembre 1936 le décrit en ces termes : « Sa puissance de travail est considérable. Le chiffre de ses consultations a crû dans des proportions énormes. Son dévouement à ses fonctions est inlassable, sa bourse toujours ouverte aux déshérités et aux nécessiteux. »

Le médecin s’occupe aussi de médecine sociale et d’éducation politique s’il faut en croire le témoignage de Mamadou Coulibaly. Enfin Toumodi, subdivision administrative dont dépend le village de Yamoussoukro, est son dernier poste de médecin. Il y sert de 1936 à 1939. De là, il fait des séjours plus fréquents dans son village pour visiter les siens et suivre l’évolution de ses plantations. Car le médecin est aussi planteur depuis 1925, année de création de sa caféière baptisée Guiglo en souvenir de son deuxième poste d’affectation. Le travail de la terre permet enfin au jeune fonctionnaire de se créer des sources de revenus propres et substantielles qui font que l’administration coloniale n’aura pas barre sur lui, quand viendra le moment de l’action politique.

Le chef de canton

Dès 1938, son chef de service lui demande de « choisir entre le service de santé et la politique locale ». Le choix ne sera pas difficile à faire. La disparition du frère cadet, Augustin Houphouët, laissa vacante la chefferie de canton des Akoués. Ainsi par arrêté n°1896 du 8 juin 1939 du gouverneur général de l’AOF, Mondon : « M. Houphouët Félix, médecin auxiliaire de première classe est mis en service détaché dans la position de congé hors-cadre, en vue de sa nomination à la chefferie des Akoués (cercle de Dimbokro). »

S’ouvre pour lui un nouveau champ d’expérience dans la connaissance et la conduite des hommes. A la tête du canton des Akoués, Félix Houphouët bénéficie des atouts de la connaissance de la société traditionnelle africaine, grâce à son éducation africaine et de l’ouverture au monde moderne par sa formation à l’école coloniale. L’administrateur commandant du cercle de Dimbokro parle de lui dans un rapport de 1938 en ces termes

« Houphouët avait du commandement et voulait améliorer les conditions de vie de ses administrés. Il en a assez de savoir qu’il est très riche, mais qu’il ne peut rien dépenser. Ses réserves d’or l’ennuient parce qu’elles dorment. Le cercle doit à Augustin Houphouët grâce à Félix Houphouët, un essai de modernisme – dans ce pays qui rappelle tant la féodalité – il lui doit un village moderne, à Yamoussoukro, sur le grand axe intercolonial – une belle maison – le château de famille (300 000 F environ) ; à côté : des villas – l’une d’elles est déjà construite. Plus loin, dans le fond, huit rangées de cases, hautes, larges, aérées – tout un urbanisme qu’on est heureux de découvrir. Il convient de préciser – pour l’avenir – que Félix Houphouët est médecin auxiliaire, il a dans le pays, un immense prestige, celui d’un grand nom, celui du gendre de Boa Kouassi, le roi de l’Indénié – celui aussi de sa propre famille, une des plus anciennes et des plus connues de la région. Il sera bientôt en disponibilité et veut exercer gratuitement pour l’amélioration de la santé de ses congénères. »

« UN PRIX FÉLIX HOUPHOUËT-BOIGNY, CELA SIGNIFIE DÉJÀ BEAUCOUP POUR NOUS QUI CONNAISSONS DEPUIS DE LONGUES ANNÉES LE PRÉSIDENT DE LA CÔTE D’IVOIRE, PUISQU’IL S’AGIT D’UNE VIE CONSACRÉE D’ABORD À LA DÉFENSE DES SIENS, ENSUITE À L’ÉQUILIBRE DE L’AFRIQUE, ENFIN À LA DÉFENSE DE LA PAIX »

Ce rapport (consultable aux Archives nationales de Côte d’Ivoire) est, rappelons-le, de l’année 1938 ! Pendant ses six années de chefferie cantonale, Félix Houphouët s’emploie à améliorer le sort de ses compatriotes. Il diffuse les notions d’hygiène et de prophylaxie, concourt à l’amélioration de l’habitat. Il donne l’exemple par le développement de la productivité sur les plantations, par l’engagement de travailleurs volontaires et rémunérés.

Dans un rapport rédigé en 1945 par le gouverneur André Latrille, on y lit ces lignes :

« Félix Houphouët montra le plus grand zèle dans ses nouvelles fonctions. Par la seule persuasion, il améliora peu à peu l’hygiène des villages et les plantations indigènes. Possédant par héritage une solide fortune, il construisit à ses frais un dispensaire à Yamoussoukro. Son héritage paternel comprenait une importante plantation de caféiers et de cacaoyers. Il organisa scientifiquement cette plantation et, malgré des difficultés d’embauchage de volontaires, propres aux planteurs africains, il obtint un rendement de 500 kilos à l’hectare pour le cacao. Ces chiffres (qui ont été vérifiés par la mission d’inspection du travail) sont pour le café le rendement moyen d’une bonne plantation européenne ; ils sont pour le cacao supérieur à tous les rendements des plantations européennes. Je répète que ces résultats ont été obtenus malgré une insuffisance de main-d’œuvre due aux obstacles apportés jusqu’à ces derniers temps à l’embauche des volontaires. Ils seront largement dépassés dans la prochaine année ! On peut donc dire que la plantation du chef de canton Félix Houphouët constitue une des entreprises pilotes préconisées par la Conférence de Brazzaville. Il est particulièrement satisfaisant de constater que cette situation est l’œuvre d’un Africain entièrement formé par la civilisation française. »

De l’élève des écoles du gouvernement général, au médecin et au chef de canton, Félix Houphouët s’est formé, perfectionné humainement, intellectuellement et moralement. L’occasion de se mettre au service de ses concitoyens est offerte par le Syndicat agricole africain (SAA.)

Le syndicaliste et l’homme politique

En trois années de présidence de 1944 à 1947, il a non seulement implanté le syndicat dans le pays, mais en a fait le catalyseur de la révolte de tout un peuple contre le régime colonial. Il n’est guère étonnant que celui-ci fasse appel à lui quand il faut désigner des représentants aux assemblées métropolitaines. Et la plus belle victoire du président du syndicat sera l’abolition du travail forcé, instrument fondamental de l’exploitation coloniale, par la loi Houphouët-Boigny votée sans débat le 5 avril 1946 et promulguée le 11 avril. Avec la création du PDCI-RDA, Félix Houphouët fut le fédérateur des patriotes ivoiriens et des démocrates non ivoiriens (africains, français, levantins, etc.) dans un parti authentiquement africain et anticolonialiste qui réussit à conduire son pays à l’indépendance.

L’homme d’Etat

L’expérience de la vie parlementaire et ministérielle en France a préparé Félix Houphouët-Boigny à l’exercice du pouvoir. Député de la Côte d’Ivoire de 1946 à 1956, il est également ministre dans six gouvernements de la République française pour apprendre le métier d’homme d’État. Quelques résultats de la politique intérieure et de la politique extérieure montrent sa réussite politique.

La diplomatie ivoirienne préconise la pratique du dialogue dans toutes les instances internationales. Elle joue un rôle actif dans la recherche négociée des conflits africains. Et le président ivoirien, principal inspirateur et acteur de cette diplomatie, est le médiateur et conciliateur reconnu en Afrique et hors du continent. Le voyage à Yamoussoukro d’hommes politiques de toutes tendances, les conférences et réunions « au sommet » qui se tenaient continûment dans la capitale ivoirienne, témoignent de ce rôle important dans l’équilibre diplomatique africain.

Enfin la conception houphouétiste de l’unité africaine a prévalu. Cette unité doit être progressive (des ensembles sous-régionauxCEAOrégionauxCEDEAOUDEAC enfin continentaux, OUA, aujourd’hui UA), respectueuse des souverainetés nationales, soucieuse de réalisations concrètes plus que de constructions politiques supranationales précipitées. Cette conception a prévalu sur l’échiquier diplomatique africain, parce qu’elle correspondait aux faits (par exemple l’affirmation des Etats-nations, l’impossibilité de créer un seul Etat continental) et qu’elle a bénéficié d’un soutien actif de la Côte d’Ivoire et de son président.

En politique intérieure,  mentionnons la construction d’une Nation ivoirienne avec un appareil administratif, des institutions qui ont permis de maintenir la légalité républicaine et d’assurer les évolutions et les changements inévitables. Félix Houphouët a su préserver la stabilité politique et la paix sociale. En troisième lieu, la formation des hommes, le capital le plus précieux. Les difficultés actuelles de notre système d’éducation ne doivent pas occulter les résultats de cette politique volontariste et réussie de formation tous azimuts des hommes qui nous donne aujourd’hui les moyens de sortir définitivement du colonialisme en brisant fil à fil les derniers liens de notre dépendance.

Enfin, la postérité retiendra que Félix Houphouët-Boigny, comme tous les grands hommes d’Etat, fut un bâtisseur. Bâtisseur de lieux de mémoire de notre République (palais nationaux, monuments), d’édifices culturels et religieux, d’une remarquable infrastructure de communication, bâtisseur de Yamoussoukro, son chant du cygne.

II- Ses valeurs

Que reste-t-il d’Houphouët-Boigny ?

Que restera-t-il de lui dans les années à venir ?

Qu’en sera-t-il de son œuvre ?

Pour préserver son action et ses œuvres, nous devons connaître les valeurs sur lesquelles elles étaient fondées. Ce sont pour l’essentiel l’amitié, la réflexion avant les actes, le courage de ses opinions, et la défense de la paix

L’amitié

Pendant tout le temps de ses mandats à la tête de la Côte d’Ivoire, Houphouët-Boigny nous a donné de vérifier à son sujet le mot de Voltaire selon lequel toutes les grandeurs de ce monde ne valent pas un bon ami. J’ai rarement vu un homme cultiver ses relations d’amitié avec autant de chaleur, de constance et de fidélité. Il y avait dans ses amitiés, celles de l’enfance. Ils n’étaient plus très nombreux ses amis du village. Les rares survivants étaient ceux auprès de qui il redevenait, l’espace d’un moment, le citoyen ordinaire, l’ami de toujours. Les amitiés nouées sur les bancs de l’école primaire supérieure de Bingerville et de l’école de médecine de Dakar étaient présentes, chaleureuses, même si elles étaient discrètes. Très souvent, pouvait-on apercevoir dans les salons privés des palais d’Abidjan ou de Yamoussoukro, la silhouette formée par deux personnes avançant à pas lents, serrées l’une contre l’autre dont la conversation s’égayait de grands éclats de rire. C’était Houphouët-Boigny raccompagnant un ancien condisciple qu’il avait fait venir du Benin, du Burkina Faso, de Guinée, du Mali, du Niger, du Sénégal ou du Togo pour revivre les bons moments du passé et échanger longuement sur les problèmes de l’Afrique et du monde.

Les amitiés forgées dans la lutte étaient parmi les plus remarquées. Ce sont les amis du temps du Syndicat agricole et du RDA qui constituaient le premier carré des fidèles. Ils avaient tous une place égale dans son cœur. Il se souvenait de tout ce qu’ils avaient vécu ensemble, des moments d’épreuves et des joies partagées. Il reportait sur leur descendance l’affection qu’il leur portait. A la question de savoir comment Houphouët-Boigny a pu se maintenir si longtemps à la tête du RDA, un mouvement qui avait des militants dans tous les territoires français d’Afrique occidentale et équatoriale, d’aucuns pourraient répondre : parce qu’il avait des qualités intellectuelles pour le faire. Mais il n’était pas le seul à posséder ces qualités, d’autres auraient pu prétendre à cette fonction.
En réalité, s’il a pu rassembler des hommes et des femmes d’horizons aussi divers, dans un domaine, la politique, où les ambitions personnelles sont sans limite, s’il a pu pendant douze années maintenir la cohésion entre tous ces dirigeants et sauvegarder l’unité du mouvement, c’est parce qu’il avait peut-être plus que les autres, un sens profond de l’amitié et de l’amour de l’homme. Preuve que cette amitié n’était pas seulement dictée par les nécessités de la lutte, elle n’a été altérée ni par la fin du combat politique, ni par les choix politiques contraires aux siens, faits par certains de ses compagnons.

QUE LA PAIX N’EST PAS UN MOT MAIS UN COMPORTEMENT »

Aurons-nous la capacité de vivre entre Ivoiriens une amitié à la manière de celle que nous a enseignée Houphouët-Boigny ? Saurons-nous à nouveau cultiver l’amour des uns envers les autres pour faire tomber les barrières de la méfiance et de l’exclusion ? C’est à quoi nous sommes condamnés si nous voulons nous préparer ensemble et aider à sortir définitivement des dures épreuves de la guerre. La réflexion avant l’action et le courage de ses opinions. Ceux qui, comme moi, ont vécu auprès d’Houphouët-Boigny, ont observé qu’il se donnait toujours le temps de la réflexion avant d’agir.

Pour lui, toute fonction publique qu’elle soit élective ou non est une lourde charge dont l’exercice ne doit laisser place ni à l’improvisation ni à l’approximation. C’est pourquoi, il se donnait le temps de consulter, de recueillir des avis, de considérer les aspects positifs et négatifs de la décision qu’il devait prendre et, celle-ci une fois prise après une période de maturation plus ou moins longue selon la gravité du sujet, il l’assumait avec courage et la faisait partager. Les enseignements qu’Houphouët-Boigny nous laisse à propos du courage politique peuvent se résumer ainsi :

– d’abord se forger une conviction,

– ensuite la faire partager par la persuasion, en usant de tact, de courtoisie, de patience,

– enfin savoir faire des concessions sur l’accessoire en demeurant ferme sur l’essentiel.

Sur les grandes questions qui divisaient les Etats africains : Exécutif fédéral, Communauté franco-africaine, Organisation de l’Unité Africaine, Dialogue avec l’Afrique du sud… Houphouët-Boigny a toujours réussi à faire entendre une voix différente et originale. En se présentant sur la scène internationale en homme de conviction et de courage, qui savait tenir ses engagements et respecter la parole donnée, Houphouët-Boigny a fait de la Côte d’Ivoire un pays respecté.

La défense de la paix
Lors de la cérémonie de remise du prix Félix Houphouët-Boigny qui a eu lieu le 18 mai 1993 à l’Unesco à Paris, le président François Mitterrand déclarait : « Un prix Félix Houphouët-Boigny, cela signifie déjà beaucoup pour nous qui connaissons depuis de longues années le président de la Côte d’Ivoire, puisqu’il s’agit d’une vie consacrée d’abord à la défense des siens, ensuite à l’équilibre de l’Afrique, enfin à la défense de la paix ». De la part de l’ancien ministre de la France d’outre-mer, du député de la quatrième République, du chef du parti socialiste devenu Président de la République française qui, à ces divers titres, a été le témoin de tous les combats dans lesquels notre Président s’est illustré et de son action au service de la paix en Afrique et dans le monde, le compliment a une saveur particulière. Federico Mayor alors Directeur général de l’Unesco ne disait pas autre chose : « Pour moi qui ai connu le président Félix Houphouët-Boigny, tant chez lui à Yamoussoukro qu’en de nombreux autres lieux et circonstances, j’ai pu mesurer à quel point il était habité par l’intégrité d’une amitié profonde et respectueuse de la parole donnée, mais aussi par la tranquille détermination dans la recherche de la paix, avec cet élan de générosité et de chaleur qui est la marque même de cette Afrique à visage profondément humain ».

« PLUS JAMAIS ÇA. PLUS JAMAIS LA GUERRE ENTRE LES ENFANTS D’ HOUPHOUËT-BOIGNY. »

Ces brèves citations témoignent de l’écho qu’avait à l’extérieur l’action d’ Houphouët-Boigny en faveur de la paix. Tandis que chez nous, à force de l’entendre inlassablement nous parler de la paix, nous répéter que « que la paix n’est pas un mot mais un comportement », à force de vouloir nous l’enseigner comme un catéchisme, il nous suffisait de savoir que nous étions ses enfants, donc les enfants de la paix, pour nous rassurer qu’aucune atteinte ne pouvait être portée à notre quiétude, à notre sécurité, à notre paix.

Et nous avons tôt fait d’oublier que pour sauvegarder nos acquis et la paix, il nous fallait, tout en étant vigilants, continuer de cultiver la confiance les uns dans les autres, la tolérance et la solidarité.

Conclusion
Félix Houphouët-Boigny est issu d’une famille traditionnelle baoulé. Formé selon les principes de l’éducation africaine traditionnelle, il suit cependant le cursus des écoles du gouvernement général de l’Afrique occidentale française (AOF). Médecin africain, il exercera son métier pendant trois lustres avant de faire son entrée en politique. On peut, à partir de trois angles de vues, appréhender l’homme tout court d’abord, l’homme politique ensuite, l’homme de foi enfin. L’homme, par ses qualités, par sa formation, par sa philosophie de l’existence a préparé le politique à l’exercice des hautes responsabilités qui, elles-mêmes, trouvent leur accomplissement et leurs fins dans la transcendance. La cohérence et la constance des convictions et des certitudes, des choix et des actes de Félix Houphouët-Boigny révèlent cette triple dimension d’un destin hors du commun. En utilisant les armes dont il s’est servi pour conduire la Côte d’Ivoire à l’indépendance, assurer sa stabilité et défendre la sécurité et la paix de ses habitants, nous pouvons ensemble lutter victorieusement contre nos divisions et retrouver les chemins de l’unité et de la paix.Et nous devons à partir de là nous dire : « Plus jamais ça. Plus jamais la guerre entre les enfants d’ Houphouët-Boigny. »

Camille Aliali


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