Histoire/Comment le premier député Africain Blaise Diagne a recruté 77.000 tirailleurs

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MISSION BLAISE DIAGNE (SELON RFI)

INTRODUCTION

Épuisée par quatre années de guerre d’une violence sans précédent, l’armée française a besoin de nouveaux soldats. Plus que jamais, « la Patrie en danger » fait appel aux forces vives de son empire colonial. Mais les tirailleurs dits « sénégalais » se sont déjà lourdement acquittés de l’ « impôt du sang ». Comment la France peut-elle encore convaincre l’Afrique de donner ses fils ?

C’est le défi lancé par Georges Clemenceau à Blaise Diagne, premier député africain de l’histoire de France. Le président du Conseil le nomme commissaire de la République. Sa mission ? Recruter plus de 50 000 tirailleurs volontaires !

Nota Bene : Les textes des extraits de diaires et de journaux n’ont pas été corrigés afin de préserver l’intégrité des documents.

l’ARRIVEE A DAKAR

Dakar, 12 février 1918. Ceinturé de l’écharpe tricolore, costume trois pièces et gants blancs, le commissaire de la République qui débarque dans la colonie sénégalaise est noir. Il a fière allure. Premier député africain élu au Parlement, il se bat pour améliorer le statut des indigènes. Mais depuis le début de la guerre, l’armée française enrôle par décrets spéciaux à une cadence accélérée. Des recrutements brutaux et répressifs contre lesquels les populations se sont rebellées et soulevées en 1915 et 1916. Comment Blaise Diagne va-t-il relever le défi d’une nouvelle mobilisation massive ? Le tout nouveau gouverneur de l’Afrique occidentale française (AOF), Gabriel Angoulvant, accueille Blaise Diagne en soulignant « l’enthousiasme évident suscité dans un grand nombre de milieux autochtones par la présence d’un frère de race parvenu à une haute situation dans le pays ». Un enthousiasme qui fait peur au général Mangin, le théoricien de la « Force noire ». L’initiateur de la mobilisation des Africains depuis le début du conflit mondial se méfie du discours émancipateur de Blaise Diagne. La nomination de ce dernier par Georges Clemenceau, président du Conseil depuis 1917, a déclenché une polémique dans la presse où s’affiche l’hostilité du lobby colonial. Ce à quoi le député Diagne a répondu, le 24 janvier 1918, dans le journal L’Homme Libre : Georges Clemenceau est déterminé. Anticolonialiste, il est prêt à améliorer le statut des Africains, mais le Tigre (le surnom de Clemenceau) est pragmatique, son seul objectif est la guerre et il lui manque 200 000 hommes.

C’est dans cet état d’esprit que Clemenceau relance les recrutements en Afrique ; et s’il désigne Blaise Diagne pour cette mission, c’est justement parce qu’il a conscience de la nécessité de changer de méthode.C’est par la voie du chemin de fer Dakar-Niger, reliant Dakar à Bamako en passant par Thiès, Kayes et Kita, qu’il faut imaginer les premiers déplacements de Blaise Diagne pour organiser les recrutements. Si la ligne n’est pas construite jusqu’à Koulikoro en 1918, elle le sera en 1924 afin de désenclaver la boucle du Niger pour acheminer les matières premières de la colonie vers la métropole via le port de Dakar.

« Arrivée à Kita à treize heures de M. Diagne, commissaire de la République, avec sa suite. Il y a aussi parmi eux Abd El Kader, fils du Fama de Sansanding, actuellement lieutenant et décoré de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre. Le Père Decottignies a été heureux de revoir ce jeune officier qu’il avait autrefois sous ses ordres au commencement de la guerre, lorsqu’il était chargé des écuries du 2e régiment de tirailleurs à Kati. C’est Abd el Kader qui a été auprès des populations de Kita l’interprète du commissaire Diagne. Le commissaire a donné aux anciens tirailleurs des gratifications variant entre 100 francs et 10 francs. Le Père Bazin et le Père Decottignies ont été présentés à Monsieur le commissaire et Monsieur le gouverneur à la gare, puis à la résidence par Monsieur l’administrateur Sicamois. Vers 15h, le commissaire et sa suite ont repris le train spécial pour Toukoto, où ils avaient l’intention de faire une palabre dans la soirée. »

L’arrivée de la mission Diagne, savamment orchestrée, impressionne. Composée de 350 membres, l’escorte incarne toutes les expressions du pouvoir et de la puissance du commissaire de la République.

Trois officiers noirs entourent Diagne : Galandou Diouf, figure politique de Saint-Louis du Sénégal, Dousso Ouologen, originaire de Bandiagara, et le lieutenant Mademba Abd el Kader, fils du fama (roi) de Sansanding.

L’administration coloniale est réquisitionnée. Les commandants de cercle ou les gouverneurs, qu’ils soient militaires ou civils, tous dépendent du député sénégalais, comme en témoignent ces photographies inédites découvertes aux Archives nationales, des photographies dont on ne connaît toujours pas l’auteur, un siècle après…

DE BAMAKO A CONAKRY

Bamako, 14 mars 1918. Arrivé par le chemin de fer, le commissaire de la République, mandaté par le président du Conseil Georges Clemenceau, est chargé de recruter de nouveaux tirailleurs par dizaines de milliers. Il se nomme Blaise Diagne et sa réputation le précède. Seul député africain du Parlement, il s’est distingué par l’éloquence de son discours égalitariste. Si le député Diagne entend obtenir le statut de citoyen français pour les indigènes de l’Empire, c’est avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. D’où son engagement pour la mobilisation des Africains dans l’ultime recrutement de la Grande Guerre. Après une première campagne au Sénégal, Blaise Diagne poursuit sa mission de recrutement dans l’AOF (Afrique occidentale française). Depuis Bamako, point de départ de tous ses déplacements, il câble ses dépêches au ministère des Colonies à qui il doit rendre compte.

Bamako – 17 mars 1918
Dépêche de Blaise Diagne

« Aujourd’hui / Bamako / important palabre.
Mille chefs indigènes des régions / Bamako/ Dédougou / Bobo-Dioulasso et Dori – ces trois dernières provinces révoltées en 1916 – prêtèrent serment fidélité France/ Affirment solennellement leur loyalisme / se déclarent prêts à donner tous les soldats qui leur seraient demandés/ partiraient eux-mêmes si nécessaire.
Ce résultat obtenu après que j’ai défini but mission / précisé politique généreuse inaugurée par décrets janvier 1918.
Tous chefs interprètent geste Gouvernement comme symbole nouvelle politique / justice et confiance à l’égard race noire. »

Le ministère des Colonies transmet les dépêches au ministère de la Guerre. Mais la méthode Diagne suscite de l’incompréhension au sein de la 8e direction du ministère qui se plaint auprès de Clemenceau. Depuis plus d’un mois qu’il est arrivé en AOF, pourquoi n’a-t-il pas commencé à recruter ?

Une première réponse est à trouver dans la façon dont il a fait sensation à Paris dès sa nomination…

24 janvier 1918
Entrefilet dans Le Journal : « La garde noire de M. Diagne »

« Hier, dans la salle des pas perdus, à la Chambre, irruption inattendue d’une théorie  de soldats noirs. Cela fit impression.
Ils étaient bien une quinzaine, adjudants et sous-officier, qui suivaient M. Blaise Diagne, député du Sénégal, considérant le lieu avec une curiosité amusée, et riant de toutes leurs dents blanches. »

N’en déplaise aux autres députés, Diagne a choisi de s’entourer de soldats noirs, élevés dans la hiérarchie militaire pour leurs faits d’armes et décorés par la République. Selon l’écrivain Amadou Hampâté Bâ , l’état-major de la mission Diagne de 1918 est composé de jeunes officiers africains « galonnés d’or, gantés de blancs, bardés de médailles et de fourragères ». C’est ainsi que le recrutement est précédé d’une vaste opération de communication.

Une véritable flotte est affrétée pour Blaise Diagne et sa suite. La mission embarque sur d’immenses barges à Bamako sur le fleuve Niger. Mais à Kouroussa, c’est par le chemin de fer de Guinée, nouveau symbole du génie français, que le commissaire de la République poursuit son voyage jusqu’à Conakry. Les gares deviennent les théâtres dans lesquels Blaise Diagne met en scène le faste de ses arrivées.

Fort de sa popularité réaffirmée à Dakar et à Bamako, Blaise Diagne part confiant pour la Guinée française le 27 mars 1918. Il atteint Kouroussa par le fleuve puis reprend le train à partir de Dabola, traverse Mamou et Kindia pour arriver à Conakry le 8 avril 1918. Mais d’après nos sources religieuses, la campagne de Guinée est loin d’être gagnée !

Extrait du diaire des spiritains, dans lequel sont relatés les événements au jour le jour

Kouroussa – 4 avril 1918

« Dans la matinée, arrivée de Diagne, député du Sénégal, commissaire général de la République en Afrique française. La raison du voyage de ce distingué personnage est d’engager les Noirs à se faire tirailleurs pour la défense de notre patrie. Il paraîtrait que sa parole ne produit pas un extraordinaire effet. »

Kouroussa – 11 avril 1918

dévouement à la patrie. On comprend facilement que tous ces gens, n’ayant rie« Le commissaire de la République, de retour de Conakry, arrive à Kouroussa vers sept heures du matin. L’impression générale de cette visite, auprès des Noirs, n’est guère en faveur de ce représentant de notre gouvernement. L’un ou l’autre griot clamait bien que M. Diagne était désormais le grand « fama » (roi) de la France ; mais quand la population a vu qu’il ne tranchait pas les palabres qu’on lui soumettait, il y a eu des mécontentements et les réclamations n’ont pas manqué. D’abord les femmes des tirailleurs qui sont à la guerre ; ces braves personnes ont trouvé en effet surprenant que M. Diagne, ayant soi-disant pouvoir sur le Gouverneur ‘’jusqu’à le mettre à la porte de la Colonie’’ ne leur fasse pas rendre les allocations qu’elles avaient reçues depuis le début des hostilités. Puis c’était, paraît-il, le tour des anciens tirailleurs valides ou invalides, qui demandaient au député du Sénégal le prix de leur n obtenu, n’aient pas en odeur de sainteté le commissaire de la République ainsi que les Sénégalais. »

Les notes des pères spiritains traduisent l’époque. Commencée en 1914, la Grande Guerre épuise l’Afrique depuis cinq ans, sur le front et à l’arrière. Si les fils sont enrôlés, leurs familles sont également soumises à l’effort de guerre. Elles sont contraintes de fournir les porteurs et puisent dans leurs récoltes pour nourrir les contingents.

Faut-il encore que la France fasse appel à l’Afrique ? C’est cette exaspération qui s’exprime à travers les revendications des mères et des anciens soldats.

Mais on peut également lire dans ces lignes toute l’hostilité des pères spiritains de Guinée face à l’autorité d’un Africain franc-maçon promu commissaire de la République. Blaise Diagne est en effet un citoyen français, car il est né à Gorée en 1872, l’une des quatre communes françaises du Sénégal. De surcroît, la loi Diagne du 29 septembre 1916 étend à tous les habitants de ces communes (Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar) l’exercice de plein droit à la citoyenneté. Et en 1918, devenu commissaire de la République, Blaise Diagne incarne la puissance et le pouvoir de l’État. De fait, il se situe au-dessus de toutes les autorités coloniales de l’Afrique occidentale française, dans un contexte où les relations entre l’Église et l’État sont encore houleuses (à la suite de la loi de 1905 séparant les Églises et l’État). Une provocante remise en question de l’ordre établi dont témoignent ces photographies inédites à la gloire de la campagne africaine de Blaise Diagne.

Diaire des spiritains de Sainte-Marie de Conakry

8 avril 1918

« À 10 h, M. Blaise Diagne, député du Sénégal, commissaire du gouvernement de la République, arrive en gare. Il est accompagné du gouverneur qui est allé à sa rencontre jusqu’à Kouroussa, car il descend du Soudan. Il est reçu avec les honneurs dus au gouverneur général : c’est le maire qui lui souhaite la bienvenue à la gare. Puis il reçoit tous les chefs de service à l’Hôtel du gouvernement. Dans l’après-midi, il fait un long palabre devant l’Hôtel aux chefs indigènes sur l’objet de sa mission : le recrutement de nouvelles troupes noires. Auparavant, il a parlé aux Européens, et il n’est point tombé dans le ridicule, au contraire. Sans doute l’élément blanc est en général froissé dans son amour propre ; mais ce Noir est loin d’être dépourvu, et il est arrivé avec de très grands pouvoirs. »

9 avril 1918

« Nos jeunes gens nous demandent la fanfare pour rehausser le vin d’honneur qu’ils offrent avec les Sénégalais au député du Sénégal. Le révérend père Préfet essaie de leur faire comprendre que les idées politiques de cet homme ne nous permettent pas de le fêter comme s’il était l’un des nôtres. La cérémonie est à 5 h du soir : presque tous les Européens y sont invités par un ‘‘comité indigène’’, qui a été créé à cet effet ; le révérend père préfet et le père supérieur le sont, mais ils ne s’y rendent pas. »

Quelles sont les idées politiques de Blaise Diagne ?
Premier Africain de l’histoire française à siéger au palais Bourbon, il est élu député le 10 mai 1914 dans la circonscription des « Quatre communes » du Sénégal. Surnommé « la voix de l’Afrique », il se pose en représentant de l’ensemble des Africains des colonies françaises.

« Il est pénible pour un indigène comme moi d’entendre, dans cette assemblée, discuter des intérêts et de l’avenir des indigènes, chacun apportant son système et sa conclusion, sans que, jamais, ceux qui auront à subir ou accepter vos décisions puissent faire entendre leur voix ». 

Membre du groupe Union républicaine radicale et radicale-socialiste, Blaise Diagne fait partie de la même famille politique que celui qui le choisit pour sa mission de 1918 : Georges Clemenceau. Mais ce n’est pas le seul lien entre les deux hommes. Blaise Diagne est aussi un animal politique. Et tout comme le Tigre (le surnom de Clemenceau), celui que l’on admire ou que l’on moque en l’appelant « la voix de l’Afrique » est profondément attaché à la laïcité et partage les valeurs de la franc-maçonnerie.

C’est ainsi que le combat de Blaise Diagne pour les indigènes de la République est celui d’un intellectuel humaniste, mais assimilationniste. Tout au long de sa campagne africaine, il martèle son appel à rejoindre l’armée française pour la défense de la patrie d’une formule unique :

En versant le même sang, vous gagnerez les mêmes droits.

Diaire des spiritains de Sainte-Marie de Conakry

9 avril 1918

« Deux ou trois jeunes originaires du Sénégal prennent la parole puis c’est Soussou, un ancien de notre mission de Boffa. L’un de ces derniers revendique sottement les grands droits du citoyen français à l’égalité, et s’attire une verte réponse de Diagne, qui lui dit que pour ces droits il faut d’abord les mériter, en remplissant son devoir, et le 1er devoir en ce moment est de servir la France et de verser son sang pour elle. Après ce ‘‘vin d’honneur’’, le député, commissaire du Gouvernement, est reçu à la Loge maçonnique de Conakry. »

Diaire des spiritains de Boffa

12 Avril 1918

« On dit de nouveau nos mers hantées par les sous-marins boches. On dit que la réception de notre député nègre, Diagne, a fait fiasco à Conakry. On dit qu’il y aura un enrôlement général des nègres et des blancs. On dit ! Mais que ne dit-on pas. Dieu bénisse la France et ses armées. »

 

EN ROUTE POUR OUAGA

Fort de son expérience sénégalaise (voir chapitre 1) et guinéenne (voir chapitre 2), Blaise Diagne part en campagne pour enrôler de nouveaux soldats dans la boucle du Niger. Afin de mettre toutes les chances de son côté, le député s’appuie sur une méthode incompréhensible par certains fonctionnaires du ministère de la Guerre. En effet, Blaise Diagne n’enrôle pas directement les nouvelles recrues. Il vient à leur rencontre lors de grandes palabres orchestrées par ses lieutenants. L’enjeu est de les convaincre de leur nécessaire implication : les enfants de l’Empire français doivent porter secours à la patrie à l’agonie. Et pour gagner leur confiance, et surtout celle de leurs familles, Blaise Diagne a des arguments, auxquels il croit. La République n’a-t-elle pas publié les décrets de sa nouvelle politique à l’adresse des indigènes en janvier 1918 ? C’est ce que souligne le député de la Guadeloupe Gratien Cambace en vantant « la manière » dont Blaise Diagne entreprend sa mission, dans un article pour le Petit Parisien du 12 juin 1918 : « Pour effectuer dans les colonies ce recrutement, il y a comme en tout, la manière : inspirer confiance aux indigènes, montrer aux chefs d’abord, et par leur intermédiaire aux populations, que la France saurait leur prouver sa reconnaissance, non seulement en paroles, mais surtout par des actes, par l’octroi d’avantages pécuniaires, par l’amélioration des conditions d’existence des indigènes, de leur statut. On ne saurait trop le répéter, les décrets du 14 janvier 1918 inaugurent une politique indigène nouvelle. »

La nouvelle de l’arrivée de la mission Diagne se répand de villes en villages en Afrique occidentale française : Bamako, Bougouni, Sikasso, Bobo-Dioulasso, Diébougou, Boromo, Koudougou, Ouagadougou et encore vers le nord Yako et Ouahigouya. Les populations convergent en direction de leurs cercles respectifs, conduites par leurs chefs et leurs marabouts. Et attendent parfois plusieurs jours celui que l’on surnomme « La voix de l’Afrique ».

Blaise Diagne télégraphie le 16 avril au gouverneur Gabriel Angoulvant, gouverneur général de l’AOF et de l’AEF, qu’il est retardé par l’assemblage des pièces détachées des Ford T. Les voitures sont finalement montées à Bakel, près de la frontière sénégalaise, puis acheminées à Bamako avant la fin du mois… la traversée des anciennes contrées rebelles se fera donc à quatre roues !

L’arrivée de la mission Diagne est spectaculaire. Pour la première fois, un convoi d’automobiles sillonne les pistes africaines de la boucle du Niger. Avec à sa tête un député africain, en costume blanc trois pièces, secondé par plusieurs officiers noirs décorés de médailles. À la vue des populations africaines, Blaise Diagne est reçu comme le plus haut représentant de la République par les autorités coloniales, mais aussi par la chefferie, prête à collaborer si les usages sont enfin respectés. Et c’est toute la stratégie politique du député sénégalais, élaborée grâce aux rapports de ses émissaires envoyés sur le terrain dès 1917. D’après le lieutenant Abd el Kader, fils du fama de Sansanding, missionné officieusement dans les anciennes zones de révoltes situées au nord de Bobo-Dioulasso, c’est moins le principe du recrutement qui est rejeté par les chefs, que la violence de sa méthode, présente à tous les esprits.

Ce sont donc les intermédiaires, les chefs religieux et coutumiers, que les officiers noirs de la Mission vont solliciter. C’est avec eux qu’il s’agit de négocier avant l’arrivée du fameux commissaire de la République.

À chaque palabre, Blaise Diagne en appelle à la responsabilité des chefs et les rappelle à leurs devoirs s’ils veulent prétendre à un nouveau statut.

« En versant le même sang, vous obtiendrez les mêmes droits », c’est la formule qu’il répète avec conviction.

Mais Blaise Diagne ne recrute pas en personne. Ganté de blanc et ceinturé de son écharpe tricolore, il met en scène le recrutement. Une grande opération de propagande comme en attestent ces photographies oubliées et redécouvertes à la faveur de cette enquête.

Informés par les autorités coloniales du recrutement des tirailleurs décidé par Georges Clemenceau, dont la politique extérieure et intérieure est totalement dédiée à l’effort de guerre, les Pères blancs du village de Réo, situé entre Boromo et Koudougou, savent qu’ils pourront disposer de 50 francs pour gratifier chaque fournisseur de l’enrôlement d’une unité de soldats. Comme toutes les autorités locales, ils sont invités à se déplacer pour accueillir le commissaire de la République Blaise Diagne.

 

Réo – 9 mai 1918
Extrait du diaire des Pères blancs, dans lequel sont relatés les évènements

au jour le jour.

Les Pères Préfets François et Viguier se rendent à Koudougou à l’occasion de l’arrivée de M. Blaise Diagne. Le Commissaire et sa nombreuse suite font leur entrée à Koudougou à 2h30 de l’après-midi en automobiles, neuf en tout, pour eux et leurs bagages. Le gouverneur du Haut Sénégal Niger, M. Brunet, fait partie de la Mission. La circonscription de Koudougou doit recruter 1500 hommes. 

M. Diagne fait un long palabre aux chefs de canton et leur fait comprendre qu’il est de leur devoir et de leur intérêt de donner l’exemple en offrant spontanément des membres de leur propre famille (enfants ou frères). On demande des volontaires et M. Diagne fait miroiter à leurs yeux tous les avantages pécuniaires et moraux qu’ils ont à fournir un nombreux contingent de soldats

À la lecture de ces archives religieuses, on peut vérifier que le recrutement à proprement dit ne commence que le mois suivant, alors que Blaise Diagne et son aéropage sont presque arrivés au terme de leur mission. Un recrutement sans vague, alors qu’il se déroule dans une zone particulièrement sensible où vivent un million d’Africains sur 100 000 km². C’est là que l’armée française avait dû concentrer la puissance de ses troupes afin de mettre fin aux révoltes de 1915 et 1916. Mais les Français auraient-ils repris le contrôle de cette zone sans l’appui du royaume Mossi de Ouagadougou et le renfort de sa cavalerie ?

Sur la route pour Ouagadougou, les neuf automobiles de la mission Diagne font halte, dans l’attente d’une audience au palais du Mogho Naaba. Le commissaire de la République se doit de saluer l’ami des Français, mais il souhaite également exprimer tout son respect à l’autorité d’un roi puissant choisi par l’administration coloniale pour asseoir son pouvoir dans le vaste territoire difficilement contrôlable du Haut-Sénégal-Niger. Comme les autres chefs Mossi, le roi Koom II se doit de montrer l’exemple. Mais comment va-t-il exprimer sa supériorité sur les autres chefs ? Jusqu’où engagera-t-il son peuple ?

Sur ce cliché unique du Mogho Naaba Koom II, dont on ne connaissait aucune représentation photographique au sein du palais de Ouagadougou, on distingue au centre le Roi en habit de guerre, traditionnellement de couleur rouge, chargé de nombreuses amulettes.

Le Mogho Naaba est entouré de ses Kug Zindba, ses « ministres ». Le deuxième à sa droite est le Baloum Naaba Tanga, en poste depuis 1910, grand conseiller du souverain et proche de la Mission catholique. Au premier plan, prosternés : les sogone (ou soronés) du roi, c’est-à-dire ses serviteurs palatins. On voit aussi un joueur de bendre (tambour royal) et un autre serviteur tenant la Cane du roi.

À sa droite sur l’image, son ministre de la Guerre, le Naaba Pawitraogo à la réputation extrêmement autoritaire.

À gauche, nous voyons un marabout enturbanné. Il est possible qu’il soit le marabout de la cour. Les marabouts qui fréquentaient le royaume Mossi de Ouagadougou étaient le plus souvent des Peuls ou assimilés aux peuls.

Ouagadougou – 26 avril 1918
Extrait du diaire des Pères blancs, dans lequel sont relatés les évènements au jour le jour.

« Arrivée à Ouagadougou du lieutenant Mademba, fils du fama de Sansanding, décoré de la Légion d’honneur, de la fourragère, de la croix de guerre avec palmes. Ce jeune homme qui a passé quelques années à la mission de Ségou a tenu à nous rendre visite dès son arrivée. Il fait partie de la mission de recrutement qui a à sa tête le commissaire de la république, M. Diagne, député du Sénégal. Il est envoyé pour préparer le terrain au Commissaire qui doit arriver sous peu à Ouagadougou. »

Ouagadougou – 28 avril 1918

« Le lieutenant Abd el Kader Mademba a commencé son travail et il inaugure bien du recrutement. Il a rendu visite au Mogho Naaba, tous les chefs de canton étant réunis au palais. Le Naaba a écouté avec placidité son discours. Sur l’invitation du lieutenant à lui dire ce qu’il pensait, il a répondu : 

« Il y a longtemps que j’ai donné mon coeur à la France et comme je n’en ai qu’un, je ne puis lui en donner unautre. »  

Pour bien montrer qu’il disait vrai, il (Le Naaba) a donné son frère Djiba Naaba comme tirailleur. 

Cet exemple n’a pas tardé à porter ses fruits. Tous les grands naabas, tous les chefs de canton se croient obligés d’en faire autant et ils viennent présenter qui leurs fils, qui leur frère. C’est presque de l’enthousiasme. 

Nous recommandons aux chrétiens de ne pas rester en retard et de s’offrir s’ils prévoient qu’ils seront pris. La chose étant ce qu’elle est, nous jugeons que l’intérêt de la mission le demande. Le Gounga Naaba a présenté son fils Michel, et le Ballom Naaba un des frères, Étienne ou Georges, au choix. »

Allant jusqu’à sacrifier son propre frère, héritier du trône des Mossi, le Mogho Naaba va bien au-delà des précédents recrutements dans son engagement aux côtés de la France combattante. Il implique ses ministres et sa cour et son comportement oblige les autres rois à également sacrifier leurs fils. Mais pour quelles raisons Koom II et ses ministres font-ils ce choix ? Comment le royaume de Ouagadougou peut-il être récompensé d’un tel engagement ?

RETOUR TRIOMPHAL A PARIS

Ouagadougou, 16 mai 1918. Annoncé depuis des semaines, le rutilant convoi de la mission Blaise Diagne quitte le royaume Mossi pour franchir la boucle du Niger. Il s’agit maintenant de terminer un recrutement déjà couronné de succès. Le commissaire de la République est à la hauteur des attentes de Georges Clemenceau. Le Tigre  avait raison : le député sénégalais est un homme nouveau. Capable de rassurer tous les jeunes Africains, du paysan à l’intellectuel en passant par le chef, du bien-fondé de leur engagement. Mais que vient offrir Blaise Diagne à ses frères à qui il promet de nouveaux droits ?

Parti depuis le mois de février de Dakar, où il avait été accueilli en grande pompe au son de 15 coups de canon (voir chapitre 1), Blaise Diagne a depuis rayonné en direction de Conakry (voir chapitre 2) puis Ouagadougou (voir chapitre 3) à partir de Bamako où il a établi son quartier général. En chemin de fer, par bateau ou en automobile, il a accepté une mission aussi dangereuse que risquée sur un territoire traumatisé par la répression des révoltes et par l’hécatombe des troupes coloniales sur le front.

Conscient qu’il faut changer de méthode, George Clemenceau a donné des moyens exceptionnels, tant économiques que sociaux et logistiques, au représentant de la République. L’urgence pour le président du Conseil, c’est d’en finir avec la Grande Guerre. Il a besoin de 200 000 hommes et en attend 50 000 en ce qui concerne l’Afrique française (équatoriale et occidentale). N’en déplaise au lobby colonial, la main d’œuvre bon marché doit s’engager. La République en appelle aux tirailleurs !

Extrait du diaire des Pères blancs, dans lesquels sont relatés les événements au jour le jour.

Toma. (Village entre Ouahigouya et Dédougou)
7 mai 1918.

« Les chefs de canton sont convoqués à Dédougou. Le commissaire de la République, le député Diagne, doit y passer dimanche, et donner ses instructions concernant le nouveau recrutement de tirailleurs. Les chefs vont revenir fixés sur le chiffre de recrues qu’ils auront à lever. Ce n’est pas sans appréhension que nous attendons cette opération, qui ne manquera sans doute pas de soulever une

Extrait du diaire des Pères blancs, dans lesquels sont relatés les événements au jour le jour.

Toma. (Village entre Ouahigouya et Dédougou)
7 mai 1918.

« Les chefs de canton sont convoqués à Dédougou. Le commissaire de la République, le député Diagne, doit y passer dimanche, et donner ses instructions concernant le nouveau recrutement de tirailleurs. Les chefs vont revenir fixés sur le chiffre de recrues qu’ils auront à lever. Ce n’est pas sans appréhension que nous attendons cette opération, qui ne manquera sans doute pas de soulever une Dédougou où il a entendu toute sorte de boniments et même vu un cinéma. Conclusion : 122 tirailleurs à fournir, par conséquent 244 jeunes gens à présenter à la commission. Il doit simplement rendre compte des résistances qu’il rencontrerait et ne pas employer la contrainte. »

Le convoi de la mission Blaise Diagne poursuit son périple dans la boucle du Niger. Après Ouagadougou, Yako et Ouahigouya, de nombreuses palabres sont organisées dans les localités de Dédougou, Koutiala, San, puis Djenné dans l’actuel Mali, Bandiagara, Mopti, Kouakourou, Sansanding, Ségou et Koulikoro. Le 6 juin 1918, la campagne de propagande pour le recrutement se termine et c’est le retour au quartier général de Bamako, avant de rejoindre Dakar, puis Paris où Blaise Diagne rentre en vainqueur.

Le terrain a été admirablement préparé par ses fidèles lieutenants, Galandou Diouf et Abd el kader Mademba. Le Sénégalais et le Malien en imposent en uniforme, casque colonial et médailles. Ils incarnent une nouvelle génération d’Africains éduqués, élevés au rang d’officier, à égalité avec les soldats français. Auréolés de la gloire du champ de bataille, ils sont les prophètes qui annoncent la venue du messie : son nom est Blaise Diagne. Un Sénégalais de Gorée, donc un citoyen français, premier député africain de l’histoire à siéger à l’Assemblée à Paris, en tête d’un cortège de Blancs, parmi lesquels Louis Blacher et Terrasson de Fougères, deux administrateurs coloniaux, et un publiciste connu pour sa haine des Allemands, Pierre-Alype. Mais c’est Diagne qui commande.

« La voix de l’Afrique » est un orateur d’exception, il est connu pour avoir dénoncé « le boucher » Mangin, l’initiateur de la « Force noire », dont les tirailleurs se sont faits massacrer le 16 avril 1917 à Laon, au Chemin des dames. Lors des palabres, Diagne discourt avec dignité devant la foule rassemblée, il annonce des uniformes pour les recrues, avec 200 francs de prime à la clé, dont la moitié payable à l’incorporation, mais aussi des dégrèvements fiscaux pour les familles, ainsi que des allocations mensuelles de 15 francs. 

Clemenceau a doté son commissaire de la République de 800 000 francs pour dédommagements aux recruteurs et aux chefs. Blaise Diagne peut ainsi les honorer en leur distribuant des médailles et rétribuer leur précieuse contribution. Une politique de compensation morale et financière qui vient compléter les promesses énoncées par le député Diagne d’un avenir meilleur pour les indigènes. 

Ce qui fait la « bonne » fortune d’Issa, chef de canton, comme on peut le lire dans le diaire des Pères blancs de Toma, près de Dédougou.

18 juin 1918. « Départ des recrues pour Kassan. Les choses se sont passées jusqu’ici sans difficulté, grâce sans doute à l’influence du chef de canton. Il n’en va pas de même chez les Gwanan. Le chef de Yéguéré, ayant insisté d’une façon que ses administrés ont jugée excessive ; ceux-ci lui ont lancé des flèches. Et le résident a jugé la chose assez grave pour aller lui-même en rendre compte au  chef-lieu. » 

8 juillet. « Issa revient de Kassan, où il était depuis 17 jours. Son recrutement était terminé depuis longtemps. Mais comme c’est à peu près le seul chef San qui ait quelque autorité, l’administration a eu recours a lui, pour faire marcher les cantons voisins. Quant aux villages réfractaires, il semble que l’on soit décidé à les laisser en paix. C’est une méthode absolument sûre pour ne pas avoir pas de troubles. » 

26 juillet. « Pour en finir avec l’histoire du recrutement, notons ici une anecdote savoureuse autant qu’édifiante. Le gouverneur Périquet avait promis aux chefs de cantons une prime de 50 francs par recrue. Cela aurait fait à Issa la somme de 6 000 francs. 

Plus tard, lors de son dernier voyage à Kassan, l’administrateur l’invita à aller toucher à Dédougou la fameuse prime qui n’était plus que de 2 000 francs. Enfin, aujourd’hui, il rentre du chef-lieu, où finalement il a touché 1 000 francs. » pris la brousse, et sur le nombre, 5 appartiennent au canton de Toma. Les villages auxquels ils appartiennent auront à payer 250 francs par déserteur et à fournir un remplaçant. » 

7 octobre. « Le gouvernement de la colonie est satisfait de la manière dont Issa administre son canton et particulièrement de la façon intelligente dont il a mené les opérations du recrutement. Aussi, on lui alloue une somme de 400 francs plus une gratification mensuelle de 50 francs. » 

4 septembre. « Nouveau voyage du chef de canton au chef-lieu. C’est surtout pour la question des déserteurs qu’il est convoqué. 150 des dernières recrues ont, en effet

 
Djenné, annoncée par les trois minarets de sa Grande Mosquée. Conçue par le chef de la corporation des maçons bozos, Ismaïla Traoré, sa reconstruction s’est achevée une dizaine d’années plus tôt en lieu et place de première mosquée construite par le roi Komboro en 1280. Le plus imposant édifice de terre crue au monde culmine à 20 mètres. Un joyau de l’architecture soudano-sahélienne réalisé entre 1906 et 1907 sous l’autorité coloniale du gouverneur William Ponty à la demande du marabout Almany Sonfo.

Fidèle à sa méthode, Diagne accorde tout autant d‘importance aux dignitaires musulmans qu’aux chefs coutumiers. Le commissaire de la République cultive de longue date des relations privilégiées avec les grands personnages de l’islam, comme les plus hauts dirigeants mourides au Sénégal, dont le fondateur de la confrérie, Cheikh Amadou Bamba. C’est ainsi qu’il vient saluer les grands marabouts de la ville pieuse du Mali, où des milliers de jeunes sont formés à la lecture du Coran. Blaise Diagne a besoin de leur soutien pour que les talibés puissent rejoindre les rangs de l’armée française.

Le succès des négociations avec les autorités musulmanes est mis en scène à travers ces images époustouflantes de la propagande coloniale orchestrée par la mission Diagne. Les drapeaux français sont hissés pour l’occasion sur les tours de la mosquée de Djenné.

Après Djenné, Bandiagara et Mopti, Blaise Diagne et sa suite rejoignent Sansanding où ils sont reçus par le fama, qui n’est autre que le père de Abd el Kader Mademba, dont les nombreuses missions de repérage et de préparation politique du terrain ont contribué à sécuriser et garantir la réussite d’un recrutement massif. L’alliance et la relation de confiance entre le plus haut représentant de la France et le fama du Royaume de Sansanding sont immortalisées par le photographe de la mission dont nom reste à ce jour inconnu.

2a République pour le recrutement dans l’AOF. Le nouveau gouverneur, M. Brunet, accompagne la mission qui vient d1 mai 1918. « Depuis quelques jours la conscription bat son plein dans notre région de Ségou. Notre petit village de St Joseph auquel on a demandé un homme en a donné six. » 

 

28 mai. « Le père Buchault dans ses visites dans les villages est pressé de questions par les indigènes relativement aux engagements (bien volontaires ceux-là) du village St Joseph. Les indigènes admirent d’une façon singulière que nos jeunes gens avaient signé tout à fait volontairement et non par force. Ils rient au nez quand on leur fait remarquer que ceux qui sont partis récemment sont bien des engagés volontaires. »er juin. « Arrivée à Ségou de la mission Blaise Diagne, commissaire de lu Mossi. Le P. Supérieur se rend à la réception officielle. »

2 juin. Départ de la mission Diagne. 

« La colonne coloniale rejoint son QG à Bamako le 6 juin 1918, six mois après s’y être installée. Dakar sera le point de départ de Blaise Diagne et des nouveaux contingents de tirailleurs constitués lors de sa mission à travers l’AOF. »

Le recrutement de 1918 mené par Blaise Diagne est donc un succès sans précédent, avec une proportion d’engagement (bien) volontaire jamais atteint. Plus de 470 chefs et « fils de chefs » ont montré l’exemple selon la liste établie par Marc Michel dans son livre publié aux éditions Karthala Les Africains et la Grande Guerre – L’appel à l’Afrique. L’historien pionnier a livré les chiffres : 63 000 hommes en AOF et 14 000 en AEF.

Georges Clemenceau avait exigé 50 000 tirailleurs, ils seront 77 000. Le président du Conseil se félicite d’avoir choisi le premier député africain pour effectuer cette mission de la dernière chance, contre l’avis de Mangin, des gouverneurs et du lobby colonial. À son retour à Paris, Blaise Diagne triomphe, il est nommé commissaire des Troupes noires.

Quel est le bénéfice de l’opération pour les Africains dont la fameuse phrase de Diagne résonne encore aux oreilles :

En versant le même sang, vous gagnerez les mêmes droits.

Ils ont effectivement répondu à l’appel et se sont sacrifiés pour la victoire finale de la France.

Pour quelle récompense en retour ?

La citoyenneté ? Très peu en ont bénéficié, alors que Blaise Diagne leur avait assuré que les médaillés de la Croix de guerre et de la Médaille militaire l’obtiendraient. Pourtant, le combat pour l’assimilation du député sénégalais est sincère, mais elle s’arrêtera au service militaire obligatoire… jamais appliqué dans les colonies françaises.

Notre enquête nous a permis en revanche de constater la place unique de Blaise Diagne dans les mémoires. L’homme est devenu une légende dont les balafongistes  chantaient les louanges. Car après la Première Guerre mondiale, rien ne sera plus jamais comme avant. Bien que ceux qui rentrent vivants du front n’aient obtenu que très rarement la citoyenneté, ils incarnent un avenir meilleur.

Aussi brutale soit-elle, la République coloniale reconnaît la puissance de « la voix de l’Afrique » à Paris. Blaise Diagne devient le premier intermédiaire entre la France et les représentants du pouvoir coutumier et religieux en Afrique, nécessaires à la pacification et au contrôle des territoires.

Ainsi la France ne paiera jamais sa dette de sang aux tirailleurs africains, mais elle devra se résoudre à négocier avec une nouvelle génération issue de la guerre, qui entend traiter d’égal à égal avec les Français.

SOURCES RFI

 

 

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