Bénin/Fête nationale du vaudou. La déesse de la mer Mami Wata célébrée

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Au Bénin, la déesse de la mer Mami Wata a été célébrée lundi sur une plage du sud du Bénin à l’occasion de la fête nationale du vaudou.

Chaque 10 janvier, les Béninois rendent hommage aux divinités du vaudou, religion bâtie autour des forces de la nature et du lien avec les ancêtres, dont les représentations peuvent être des objets ou des éléments naturels.

Il y a Hêviosso, le dieu du tonnerre, Sakpata, le dieu de la terre ou encore Kokou, celui de la guerre. Mais à Ouidah, petite ville au bord de l’océan Atlantique et ancien port esclavagiste, c’est Mami Wata – divinité vaudou la plus connue dans le monde – qui est célébrée chaque année.

La célébration de ce culte ancestral est devenue ces dernières années un rendez-vous incontournable dans l’agenda touristique du pays. Incontournable aussi pour les Béninois : instituée en 1993, chômée depuis 1998, cette fête est de plus en plus populaire. Créée par le président Nicéphore Soglo, elle est le symbole de la victoire du vaudou sur le régime marxiste qui l’a réprimé une décennie durant.

Comme à Grand-Popo, dans toutes les villes et villages du Bénin, le 10 janvier est le jour où les initiés sortent leurs vaudous des couvents et des temples, les exposent à la vue de tous, font des prières, des rituels, des sacrifices. Dans un pays qui chôme nombre de fêtes catholiques et musulmanes – religions qui ont été introduites somme toute récemment -, cette unique fête du vodoun est le grand moment annuel de retrouvailles entre adeptes.

Au dernier recensement officiel (qui date de 2002), le Bénin comptait 17% d’adeptes du vaudou, 27% de catholiques et un peu plus de 24% de musulmans. Mais la réalité est plus complexe, et le culte du vodoun bien plus large. «La grande majorité de mes compatriotes pratiquent le vodoun et une autre religion. Je connais des catholiques et des musulmans qui ont leur petit temple à l’arrière de la maison», affirme Dominique Hazoumé, un guide touristique qui s’est spécialisé dans le vaudou.

Exemple récent de cette cohabitation plutôt harmonieuse : la visite du pape Benoît XVI en novembre. Le souverain pontife s’est rendu à Ouidah, petite ville de l’ouest du pays considérée comme le berceau du vaudou. Les chefs du culte traditionnel l’ont accueilli devant leur temple des Pythons, face à la basilique. Le vaudou fait partie de la culture de tout Béninois. L’étudiant qui va passer un examen, le mari dont la femme ne peut pas avoir d’enfant ou l’homme d’affaires qui part en voyage vont consulter le vodounon, à la fois prêtre et guérisseur. La religion traditionnelle a résisté aux années de répression, dont le principal effet a été d’exacerber le secret de certaines de ses pratiques.

Quand, en 1972, le commandant Mathieu Kérékou prend le pouvoir à l’issue d’un coup d’Etat, il place le Bénin sous le signe du marxisme-léninisme, seule doctrine à laquelle le peuple doit croire. Le régime compare le vaudou à la sorcellerie, les rassemblements et les cérémonies sont interdits, des temples détruits. On coupe même de très vieux arbres que les révolutionnaires soupçonnent d’abriter des divinités.

Agée de 93 ans, Combéthée Andée Afiyéyé, grande prêtresse de la déesse de l’eau Mami Wata et doyenne des vodounon, se souvient bien de cette époque : «Comme on ne pouvait pas pratiquer nos rituels sur la plage, on allait chercher de l’eau de mer la nuit et on les faisait chez nous, en secret.» Le régime lance une véritable chasse aux sorcières. «Les prêtres et prêtresses qui résistaient et pratiquaient leur religion ont été jetés en prison. Les commissariats étaient pleins de ces soi-disant sorciers, raconte le Béninois Marc Tchanou, journaliste et coauteur d’un livre à paraître sur le vaudou. Certains ont utilisé leur pouvoir contre les révolutionnaires qui les pourchassaient. Il y a eu des morts !» assure-t-il. Afiyéyé, elle, a choisi de vivre en cavale durant toute cette période : «Quand c’était trop dangereux au Bénin, j’allais me réfugier au Togo, où j’ai une maison.»

«Une façon de lutter contre la féodalité»

Les adeptes du vodoun ne sont certes pas les seules victimes du régime de Kérékou, qui s’est attaqué à toutes les religions. Des prêtres catholiques ont été emprisonnés. Mais l’Eglise, qui a plus de poids politique, a repris ses activités en s’abstenant de tenir des discours antimarxistes.Et ce n’est qu’à la fin des années 70 que les révolutionnaires ont enfin relâché leur lutte contre le vaudou. «Au nom de la révolution pour le développement, le pouvoir a cherché à éradiquer toutes ces croyances au prétexte qu’elle nous retardaient. C’était en réalité aussi une façon de lutter contre la féodalité, relève Emile Ologoudou, socio-anthropologue. Les représentants de nos religions africaines ont beaucoup souffert. Après la chute de Kérékou, l’Etat se devait de leur rendre leur dignité.»

Nicéphore Soglo leur fera cadeau de la fête du vaudou. Elu en 1991 après la «conférence nationale» qui scellait la transition démocratique, le nouveau président rétablit la liberté des cultes traditionnels. «Les grands vodounon sont allés rencontrer le Président au palais. Il était d’accord avec l’idée d’une fête pour le vaudou, se souvient Afiyéyé, qui a participé à sa mise en place. Mais ça n’a pas été facile. Les chefs du Nord, toujours fidèles à Kérékou, n’en voulaient pas. Et dans son entourage aussi, il y avait des résistances.» Le jour est choisi, ce sera le 10 janvier. «L’oracle avait donné cette date il y a bien longtemps, explique Afiyéyé. Il existait déjà une fête vodoun ce jour-là. Mais chaque culte célébrait sa divinité dans son coin. Soglo est le premier chef d’Etat à avoir accepté d’en faire un événement national.»

Pourquoi ? Au Bénin, on raconte qu’il l’a fait pour remercier les prêtres vaudous de lui avoir sauvé la vie au moment de sa prestation de serment. Souffrant, il avait alors été évacué à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, à Paris : «On a dit que des ennemis lui avaient envoyé le tchakatou, des tessons de bouteille, rappelle Marc Tchanou. Et pour ça, il n’y a que la médecine traditionnelle qui fonctionne…» Afiyéyé estime, elle, que «Soglo n’a pas pris cette décision en remerciement aux vodounon, mais par attachement pour sa culture».

Pour Emile Ologoudou, cette fête est simplement l’expression d’une volonté de «réhabilitation du vaudou. Elle a permis au Bénin de renouer avec ses traditions. Et aujourd’hui, les gens en sont fiers.» Témoin, Dominique Hazoumé, la quarantaine, qui était enfant à l’époque de la chasse au vaudou : «Au temps de la révolution marxiste, je savais qu’il y avait une divinité Ogu, le dieu du fer, chez mon grand-père maternel, mais ça s’arrêtait là. Avec la fête, je me suis intéressé à ce que cela signifiait pour ma famille de forgerons, et plus largement au vodoun.»

«Habitée par le dieu de la variole»

C’est ainsi que l’an dernier, sur la plage de Grand-Popo, Dominique Hazoumé pouvait expliquer aux touristes ébahis que l’homme qui se taillade le corps au couteau «est un adepte du dieu guerrier Kokou» et que cette femme aux seins lourds et en jupon de raphia qui avance en se déhanchant, des brins de paille à la main, «ne s’appartient plus, habitée par la déesse de l’eau et le dieu de la variole». Quant à l’ORTB, l’Office de radiodiffusion et de télévision du Bénin, il retransmet en direct les manifestations officielles de la fête du vaudou. Celles où se rendent désormais les autorités politiques.

Sources France 24 et Libération

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