Côte d’Ivoire/Toujours des interrogations sur le bombardement du camp militaire de Bouaké

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Le bombardement du camp français de Bouaké par l’armée ivoirienne est intervenu en novembre 2004. Quinze après les faits, les circonstances de ce drame restent encore inconnues.

En Côte d’Ivoire, particulièrement à Bouaké, le temps passe mais ne livre les secrets du bombardement du camp de l’armée française en novembre 2004 ayant causé la mort de 9 soldats français et 01 américain. Ce jour là, la crise ivoirienne venait d’amorcer un tournant décisif quant à sa suite. Inutile de révéler une des conséquences de ce bombardement qui aura mis du froid dans les relations ivoiro-françaises.

Exactement quinze ans et trois mois, l’enquête ouverte sur cette affaire n’ a pas bougé d’un iota malgré un certain activisme de Me Jean Balan, l’avocat des parties civiles. Personnage atypique du prétoire parisien, il consacre depuis plus de dix ans toute son énergie à tenter de faire éclater la vérité. C’est notamment grâce à sa ténacité que les principaux acteurs de l’époque ont pu être entendus. Malgré cela, l’enquête ouverte en France n’a toujours pas fait la lumière sur ce drame. C’est le paradoxe d’une affaire dont on sait tout dans les moindres détails, minute par minute, sauf l’essentiel :

Qui a donné l’ordre ? Et dans quel but ?

Pour rappel le 6 novembre 2004, au troisième jour de « l’opération dignité » lancée par l’armée ivoirienne pour reprendre le contrôle le nord du pays, deux Sukhoi biplaces quittent la base de Yamoussoukro, officiellement pour assurer un appui aérien à une colonne de l’armée faisant face à une position rebelle à Brobo, au sud de Bouaké. À leur bord, deux pilotes biélorusses, Barys Smahine et Youri Souchkine, ainsi que deux copilotes ivoiriens, le lieutenant-colonel Ange Magloire Ganduillet Attualy et le lieutenant Patrice Oueï. Vers 13h20, les aéronefs survolent Bouaké à haute altitude, passant à trois reprises au dessus du lycée Descartes. Puis, l’un des deux plonge en piqué et lâche un panier de quatre ou cinq roquettes sur l’enceinte. La déflagration fera 10 morts et 38 blessés.

La réplique de l’armée française est immédiate. Les Shukoi sont détruits à leur retour à Yamoussoukro. En fin de journée, deux hélicoptères Mi-24 et un Mi-8, stationnés au sein du palais résidentielle de la capitale administrative ivoirienne, subissent le même sort. D’autres appareils seront également détruits à Port-Bouët, à la hache. À l’annonce de la destruction de la flotte ivoirienne, des milliers de partisans de Laurent Gbagbo prennent la direction de la résidence du chef de l’État, persuadé que l’on tente alors de le renverser. Les heurts entre la population et l’armée française, qui tirera sur la foule, dureront quatre jours. Des milliers de Français seront évacués.

Déroulement précis

Le 6 novembre 2004 en début d’après-midi. Les deux Sukhoi Su-25 décollent de l’aéroport de Yamoussoukro, pilotés par deux pilotes biélorusses, Boris Smahine et Youri Souchkine, secondés par deux copilotes ivoiriens, le lieutenant-colonel Ange Gnanduillet et le lieutenant Patrice Oueï.

Vers 13 h 20, ils effectuent un premier passage de reconnaissance au-dessus du lycée français Descartes de Bouaké où l’armée française a installé une base, avec plusieurs centaines de militaires et une soixantaine de blindés sous le commandement du colonel Destremau. Puis l’un d’entre eux plonge en piqué et lâche ses roquettes sur l’objectif, un gymnase abritant le mess des officiers.

Le bombardement fait dix morts et 39 blessés :

  • neuf militaires français appartenant aux 2e RIMaRICM et 515e régiment du train3 : Thierry Barathieu, Philippe Capdeville, Francis Delon, Benoît Marzais, Laurent de Rambure, Patelias Falevalu, Franck Duval, Emmanuel Tilloy et David Decuyper6
  • un civil américain : Robert J. Carsky, un agronome américain de 49 ans travaillant pour Africa Rice

La riposte française

Jacques Chirac, le président français, donne l’ordre de détruire les deux Su-25.

Vers 14h15, les Français entrent en action. Les deux Sukhoi ont atterri à Yamoussoukro, pour être réarmés et ravitaillés en carburant.

Pendant que les techniciens les ravitaillent en carburant et empilent des bombes derrière les avions, à environ 650 mètres de distance, un détachement des troupes françaises opérant dans le cadre de l’opération «Licorne» s’apprête à agir.

Ils attendent le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’il y ait «un minimum de personnes autour des avions».

Les militaires français ont ensuite tiré deux ATGM Milan visant le nez de Sukhois, afin d’éviter des « dommages collatéraux » inutiles : un coup direct contre le réservoir de carburant aurait provoqué une explosion et un incendie.

Le Su-25UB « Red 21 » fut touché devant le cockpit et le « Red 22 » fut endommagé l’un des techniciens ivoirien fut tué durant l’attaque.

La réponse ivoirienne ne se fit pas attendre, peu de temps après, un Mi-24 attaqua le complexe français de Yamoussoukro.

Immediatement, l’hélicoptère fut endommagé par un tir au sol et fut forcer de s’éloigner.

Le commandant de l’opération «Licorne» a ensuite ordonné la destruction des deux Mi-24, d’un Mi-8 (TU-HVT) et d’un hélicoptère IAR.330 Puma basés près du palais présidentiel à Yamoussoukro.

Les deux Mi-24 et le Puma ont été complètement détruits, tandis que le Mi-8 fut endommagé par un autre missile.

Le 9 novembre 2004, les troupes françaises à Abidjan IAP saisirent un transporteur ukrainien Antonov An-12 et arrêtèrent les 15 pilotes et techniciens de la FACI, tous des mercenaires russes, ukrainiens et biélorusses, les soupçonnant d’avoir participé à une attaque sur la base française de Bouaké, le 6 novembre.

L’usage mesuré de l’Armée française suite à une attaque délibérée contre une de ses positions s’explique par la nécessité de ne pas encourager un fort sentiment anti français parmi la population ivoirienne et éviter tout dommage collatéral sur cette même population.

Conséquences immédiates

Une heure après l’attaque sur le camp des forces françaises, des combats éclatent entre les militaires français et ivoiriens pour le contrôle de l’aéroport d’Abidjan, essentiel pour la France dans la perspective d’établir un pont aérien.

Le 6 novembre 2004, Charles Blé Goudé lance un appel à la télévision ivoirienne peu de temps après le bombardement des positions françaises par les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et la riposte française qui a détruit tous leurs moyens militaires aériens. Les partisans du président ivoirien s’attaquent en représailles aux ressortissants français à Abidjan et plusieurs milliers de Français sont évacués en catastrophe du pays.

Conséquences à long à long terme

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Commanditaires et mercenaires

De retour à Yamoussoukro, les deux pilotes biélorusses sont exfiltrés vers le palais de Yamoussoukro.

À Abidjan, des éléments de la Force Licorne prennent l’aéroport et arrêtent 15 hommes, principalement ukrainiens, mais aussi russes et biélorusses, chargés de l’armement et de la maintenance des avions et hélicoptères russes du régime Gbagbo. Ils retiennent durant quatre jours ces individus, qui sont interrogés par les Forces spéciales françaises à Abidjan, avant d’être relâchés et remis au consul de Russie, le 11 novembre, en présence d’un délégué du Comité international de la Croix-Rouge, sur ordre de Paris.

Cinq jours plus tard, huit Biélorusses sont interceptés par les autorités togolaises à la frontière avec le Ghana, embarqués dans un minibus. Parmi eux, l’un des deux pilotes.

Le ministre togolais de l’Intérieur, François Boko décide de les placer en garde à vue et alerte le représentant de la DGSE et du SCTIP (Service de coopération technique internationale de police) à l’ambassade de France à Lomé, à qui il transmet leur identité. Mais les autorités françaises semblent avoir décidé de ne rien faire et François Boko se résout à leur expulsion après les avoir détenus deux semaines. Les individus relâchés disparaissent.

Les avions et équipages des Soukhoï avaient été acheminés depuis la Biélorussie via le Togo par un trafiquant d’armes bien connu, Robert Montoya, ancien gendarme de l’Elysée sous François Mitterrand. Les deux pilotes, Youri Souchkine et Boris Smahine, ne sont notamment pas réapparus depuis lors.

Enquête et procès

Une enquête judiciaire est ouverte en 2005 par le tribunal des armées de Paris.

En 2016, la juge d’instruction française Sabine Kheris, chargée du dossier depuis 2012 (et la quatrième juge depuis le début de la procédure), demande le renvoi devant la Cour de justice de la République des anciens ministres Dominique de VillepinMichèle Alliot-Marie et Michel Barnier, suspectés d’avoir agi délibérément pour soustraire à la justice des mercenaires biélorusses suspectés d’être responsables de l’attaque contre les forces françaises.

Le 25 juin 2018, le parquet de Paris sollicite le renvoi devant la cour d’assises pour « assassinats, tentatives d’assassinats et destruction des biens d’autrui aggravée par deux circonstances (en réunion et au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique) » de trois pilotes accusés d’avoir participé au raid : deux lieutenants de l’armée ivoirienne, Patrice Oueï et Ange Magloire Gnanduillet Attualy, et un mercenaire biélorusse, Youri Souchkine2. Elle a en revanche rendu un non-lieu partiel concernant un autre mis en cause bélarusse, Boris Smahine, estimant ne pas avoir de “charges suffisantes” à son encontre.

Thèses

Selon le général Henri Poncet, la frappe « était manifestement délibérée », mais il estime toutefois que le président Gbagbo était « trop fin politique pour donner un ordre aussi absurde ». Il propose l’hypothèse suivante : « Lorsqu’il a été clair que l’aventure militaire allait tourner à l’échec, les extrémistes [dans l’entourage de Gbagbo] se sont sentis en danger. Ils ont donc décidé sciemment de s’engager dans une stratégie de rupture [avec] la France [qui] avait le profil du bouc émissaire responsable de l’échec […]. Je persiste à penser que ces extrémistes, dans lesquels on peut inclure Mamadou KoulibalyCharles Blé Goudé, Kadet Bertin Gahié et Philippe Mangou, se trouvaient à l’origine directe du bombardement du lycée Descartes. »

Selon l’avocat des victimes françaises, Me Jean Balan, quelqu’un a fourni une fausse information à l’armée ivoirienne afin qu’elle bombarde la base française de Bouaké, le but étant de légitimer le renversement du président Gbagbo. Cette thèse est celle de la « bavure manipulée » : l’armée ivoirienne aurait été informée par les services secrets français de la tenue dans le bâtiment bombardé à Bouaké d’une réunion de rebelles, alors que celui-ci était un local vidé pour l’occasion sous le prétexte d’inventaire. Il n’était pas prévu que des soldats iraient s’abriter derrière. L’objectif était de stopper l’offensive ivoirienne et de mettre le président ivoirien en grande difficulté.

Avec jeuneafrique et Wikipedia

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