L’ancien chef de l’État égyptien Mohamed Morsi comparaissait au tribunal lorsqu’il s’est effondré. Il a été conduit à l’hôpital où il est décédé. « Il a parlé devant le juge pendant vingt minutes puis il s’est animé et s’est évanoui. On l’a vite emmené à l’hôpital où il est mort plus tard », a indiqué une source judiciaire à l’Agence France-Presse. Une attaque cardiaque est évoquée par des sources médicales. Mohamed Morsi souffrait de diabète et d’hypertension.
Ingénieur de 67 ans, Mohamed Morsi avait été élu président en 2012, un an après la révolution qui avait conduit à la chute de son prédécesseur Hosni Moubarak. Il était le premier civil à devenir président d’Égypte, et le premier démocratiquement élu. Issu des Frères musulmans, il s’était affiché lors de la présidentielle de 2012 comme le garant des idéaux démocratiques de la révolution de 2011 à laquelle les Frères s’étaient ralliés, par opportunisme selon leurs détracteurs. Surnommé « la roue de secours » de la confrérie, qui lui avait d’abord préféré l’homme d’affaires Khairat al-Chater, inéligible, Mohamed Morsi avait remporté le scrutin de justesse face à un cacique du régime de Hosni Moubarak.
Un président contesté
Cet homme marié et père de cinq enfants avait bénéficié durant les premiers mois de sa présidence d’un état de grâce, auquel avaient contribué ses manières simples et son air affable. Mais rapidement, une grande partie de la population l’avait accusé d’aider les Frères musulmans à accaparer le pouvoir tout en dénonçant son incapacité de rétablir la sécurité ou de relancer une économie moribonde. Ses partisans estiment que sa tentative d’évincer les militaires des principaux rouages de l’État a provoqué sa perte.
De grandes manifestations populaires, certaines réprimées dans le sang, s’étaient alors succédé. Et un an après son élection, le 30 juin 2013, des millions d’Égyptiens étaient descendus dans la rue pour réclamer son départ.
Pour Alain Gresh, spécialiste du monde arabe, fondateur du site Orient XXI, si le gouvernement de Mohamed Morsi s’est révélé sectaire et incompétent, le mouvement de contestation populaire qu’il a affronté n’en a pas moins été manipulé.
L’ex-chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, avait invoqué ce mouvement pour justifier sa destitution, avant de lui succéder à la tête du pays et de lancer une sanglante répression contre ses partisans.
Mohamed Morsi avait par la suite été condamné à un total de 45 ans de prison pour incitation à la violence contre des manifestants fin 2012 et espionnage au profit du Qatar. Il était par ailleurs jugé dans deux autres procès après l’annulation de deux verdicts prononcés contre lui, une condamnation à mort et une réclusion à perpétuité.
Peu de réactions populaires
L’annonce de son décès n’avait encore entraîné aucune réaction populaire ce lundi soir. Sur les radios et télévisions égyptiennes, on se contentait de citer le communiqué officiel avant de diffuser des programmes et des interventions condamnant la confrérie des Frères musulmans en tant qu’organisation terroriste, rapporte notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti. Sur les réseaux sociaux, des adversaires de Mohamed Morsi ont présenté leurs condoléances.
Le journaliste Ahmad Moussa, un adversaire inconditionnel des Frères musulmans, s’est refusé d’exprimer la moindre compassion après la mort de Mohamed Morsi, mais a présenté ses condoléances aux victimes de l’armée et de la police tombées lors d’attentats : « Les martyrs sont innombrables du fait des incitations de l’espion Mohamed Morsi. Explosions, violence, terrorisme et trahison. Morsi a vendu la patrie et la religion ».
Des conditions de détention dénoncées
D’autres ont évoqué les conditions d’emprisonnement draconiennes de l’ex-président, les comparant au suivi médical très sophistiqué de son prédécesseur Hosni Moubarak quand il était en prison. « Conclusion : l’un est mort et l’autre est toujours en vie. » Pour les partisans des Frères musulmans, Mohamed Morsi a tout simplement été tué. « Le président Mohamed Morsi, que Dieu ait son âme, est décédé suite à un complot indiscutable de la soldatesque. Les conditions de détention aujourd’hui en Égypte équivalent au meurtre », a ainsi réagi Mohamed al-Qoudoussi.
Selon Adel El Samouly, président du Conseil de l’opposition égyptienne, les autorités du Caire ont bafoué les droits de Mohamed Morsi et sont donc responsables de sa mort.
Enterré sans honneur ni gloire
Mohamed Morsi a été enterré rapidement et en toute discrétion dans l’est du Caire, en présence de sa famille et avec un déploiement de forces de l’ordre impressionnant.
Les autorités égyptiennes ne veulent surtout pas que l’ancien président puisse devenir un martyr et que le lieu de son enterrement devienne un lieu de pèlerinage pour ses partisans. Ce lundi soir, elles ont déjà refusé à sa famille la possibilité de l’enterrer dans son village.
Avec rfi