Guinée/Le retour des vieux démons ?

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Encore un autre coup de force en Guinée. Ce dimanche 5 septembre, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, à la tête du Groupement des forces spéciales de l’armée guinéenne a renversé Alpha Condé dont on dit pourtant qu’il était un proche. L’homme s’est exprimé à la RTG, pour annoncer l’arrestation d’Alpha Condé, la dissolution des institutions et la suspension de la Constitution. Les ministres sortants et les présidents des institutions ont aussi été convoqués à une réunion ce lundi et chaque refus de s’y présenter sera considéré comme une « rébellion ». 

L’homme se fait découvrir est en 2018 par les Guinéens. A l’occasion du défilé militaire pour célébrer l’indépendance, il parade avec sa nouvelle unité des forces spéciales, béret rouge et lunettes de soleil. Ses hommes cagoulés font forte impression.

Le Groupement des forces spéciales (GES) a pour mission officielle de lutter contre le terrorisme. Mais, selon Aliou Barry, spécialiste des questions militaires en Guinée, le chef de l’État veut faire de ces soldats, mieux armés et mieux équipés que les autres, « une unité à sa solde pour réprimer les manifestations » dans le pays.

À l’époque, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, un Malinké originaire de la région de Kankan, fait partie de la Légion étrangère française. Il est rappelé pour commander le GES.

Passé par l’École de guerre à Paris, formé également en Israël, au Sénégal et au Gabon, il a servi notamment en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et en République centrafricaine. Le porte-parole du ministère de la Défense le présente alors comme « un colosse au physique impressionnant ».

Homme d’ambition, il suscitait la méfiance des autorités qui commençaient à s’inquiéter de ses velléités de prendre le pouvoir. Depuis plusieurs mois, des rumeurs circulaient sur sa possible arrestation. Selon Aliou Barry, on le soupçonnait d’avoir des contacts avec Assimi Goïta, auteur du coup d’État au Mali l’année dernière.

Mamady Doumbouya met fin brutalement à la carrière politique d’Alpha Condé

Alpha Condé et la politique, c’est une histoire vieille d’un demi-siècle. La politique a toujours été son élément. Il y est entré dès ses études dans les années 1960, en France, au sein de la FEANF, la Fédération des étudiants d’Afrique noire. Alors que la Guinée vit sous le régime autoritaire de Sekou Touré, Alpha Condé fonde depuis Paris un mouvement d’opposition, ce qui lui vaudra une condamnation à mort par contumace de Sekou Touré.

Après la mort de ce dernier, et alors que le pays se démocratise, il rentre en Guinée et met sur pied le RPG, le Rassemblement du peuple guinéen, parti devenu l’excroissance de cet homme à la forte personnalité et aux idées marquées à gauche. Battu aux élections présidentielles de 1993 et 1998 par Lansana Conté, il est arrêté puis jeté en prison.

Celui que l’on surnomme alors un peu hâtivement « le Nelson Mandela d’Afrique de l’Ouest » sera condamné à cinq années de prison, puis libéré au bout de vingt mois sous la pression internationale. Il lui faudra attendre la mort de Lansana Conté en décembre 2008 et la déliquescence du régime putschiste de Moussa Dadis Camara pour qu’il accède enfin au pouvoir en 2010 à la faveur d’une élection présidentielle contestée.

S’ensuivent dix années de pouvoir souvent solitaire et parfois autoritaire, où ce politicien rusé mettra tout en œuvre pour conserver son fauteuil, faisant fi de la contestation populaire et d’une opposition qui lui reprochait de manipuler les urnes et la Constitution.

Le président déchu aux mains des putschistes

Désormais, l’avenir du président déchu est en suspens. Les putschistes du CNRD affirment le détenir. Mais où ? Selon le colonel Mamady Doumbouya, meneur du coup d’État, Alpha Condé serait « dans un lieu sûr » et aurait même « vu un médecin ». Dans une vidéo tournée et diffusée par les putschistes, on peut voir Alpha Condé assis sur un canapé. À ses côtés, un militaire en tenue de combat, visage masqué, lui demande de confirmer qu’il n’a pas été brutalisé ou torturé. Le président détenu refuse de lui répondre.

Alpha Condé sera-t-il contraint par les putschistes à la démission ? Pourrait-il continuer de jouer un rôle dans la vie politique de la Guinée ? Dans le cas contraire, Alpha Condé sera-t-il relâché ? Sera-t-il autorisé à quitter le pays pour se réfugier à l’étranger, comme bon nombre de chefs d’État renversés ont pu le faire ?

La CEDEAO, l’Union africaine et les Nations unies exigent unanimement le respect de l’intégrité physique d’Alpha Condé ainsi que sa libération immédiate et sans conditions.

Avec Rfi

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