Interview/Les TICs et la sociologie, avantages et inconvénients. Dr Oussou K. Rémi, sociologue tire la sonnette d’alarme et prodigue des conseils

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« Les sociologues ne sont pas consultés ou suffisamment écoutés que les crises socio-politiques que nous connaissons arrivent »

A la faveur d’une interview accordée, le docteur Oussou Kouamé Rémi enseignant chercheur à l’université Alassane Ouattara de Bouaké, expert en développent personnel a bien voulu se prêter à nos questions autour du thème : ’’Les TICs et la sociologie, avantages et inconvénients ‘’. Soucieux de l’emploi des étudiants, il a également fait des propositions. Aussi, il est le premier responsable du cabinet international Consulting créé depuis 2021.

Spécialiste en sociologie et en anthropologie, pouvez-vous nous expliquer ces termes ? 

La sociologie est une science humaine qui étudie les faits sociaux. Un fait social, selon Emile Durkheim, le père fondateur de la sociologie, est un fait caractérisé par des  » « toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure ; ou bien encore, qui est générale dans l’étendue d’une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses diverses manifestations au niveau individuel ». En d’autres termes, on suppose qu’un individu qui est seul agit d’une manière différente que lorsqu’il est dans un groupe, donc ce sont des éléments que la société impose aux individus qui la composent. Par exemple, le mariage, le suicide, etc. 

Quant à l’anthropologie, elle se définit comme l’ensemble des sciences qui étudient l’homme en société, notamment sur le plan culturel. Elle permet d’envisager l’homme à travers toute la diversité de ses productions culturelles du passé et du présent dans une perspective ethnologique. Cette discipline nécessite, de fait, de s’affranchir de ses préjugés culturels. En Côte d’Ivoire, il y a une prégnance de l’anthropologie culturelle ou ethnologie au détriment de l’anthropologie physique.

Mais est-ce que de nos jours la sociologie fait partie de notre quotidien ?

Si la sociologie fait partie de notre quotidien? La question mérite d’être posée avec tout ce qui circule sur l’inutilité des sciences humaines et sociales dans une société ivoirienne qui, selon les décideurs, a besoin de scientifiques et de techniciens pour se développer. Mais oui, la sociologie a encore toute son importance car si nous arrivons déjà à décrypter les maux de la société par la sociologie, on sera plus apte à les prévenir, car la clé se trouve dans la prévention. Soi, c’est parce que les sociologues ne sont pas consultés ou suffisamment écoutés que les crises socio-politiques que nous connaissons arrivent. Tiens, il y a un billet que j’ai écrit sur le sujet et qui est d’ailleurs paru dans FratMat, édition en ligne (https://www.fratmat.info/article/217820/societe/universiteacutes/la-sociologie-est-elle-encore-importante-aujourdhui-)

Est-il possible d’associer les nouvelles technologies à la sociologie ? si oui, quels en sont les avantages ?

Bien entendu, on peut associer les TICs à la sociologie et cela peut se faire de diverses manières.  

Mais comment procéder ?

Sans prétendre faire tout le tour de cette question, je peux dire que les TICs se sont toujours invités dans la recherche sociologique de différentes façons. D’abord, si avant l’invention de l’informatique et partant des ordinateurs dans les années 60 et la population des ordinateurs personnel (PC) un peu plus tard, l’analyse des données d’enquête socio-anthropologique se faisait à l’aide de notes, aujourd’hui, il y a de puissants logiciels qui non seulement permettent de collecter, mais d’analyser ces données avec une marge d’erreur minimale, ce qui pourrait constituer une faiblesse lorsque l’analyse n’était seulement que le fait du chercheur.  Des logiciels comme STATA, SPSS, EPI INFO, etc. font des prouesses quant à l’issue scientifique des études sociologiques. C’est le cas des enquêtes quantitatives (large population d’enquêtés) par questionnaires où les données sont codées pour en faciliter l’analyse par les logiciels. 

Ensuite, il faut dire qu’avec Internet, la collaboration et l’échange d’informations et de données entre chercheurs se sont élargies, sans parler de l’accessibilité de l’information, même si parfois il faut la prendre avec des pincettes.

D’ailleurs, il est fortement recommandé aux étudiants en sociologie de s’intéresser à l’informatique. Que ce soit pour la mise en forme d’une recherche ou pour la présentation de ses résultats, le sociologue a besoin de l’outil informatique, par exemple.

Pour autant, si les TICs passent bien avec la sociologie, il n’en est pas de même avec l’anthropologie qui se prête beaucoup plus à une analyse qualitative (échantillon réduit) où prime le vécu de l’enquêté.

Du livre au numérique, le sociologue qui est ancré dans les livres (version papiers) pourra toujours garder sa place ?

Cette question ne se pose pas seulement pour le sociologue, mais c’est l’ensemble du savoir humain contenu dans les livres qui est menacé sous ce rapport. Mais, il n’en est rien, car si Internet semble avoir remplacé le livre papier par les cours en ligne, les MOOCs et autres manières d’apprendre, il faut mentionner que ce n’est pas tout ce qui est publié sur le net qui est crédible. Par exemple, des plateformes comme Wikipédia ne font pas l’unanimité sur les informations qu’elle publie, pour la simple raison que l’internaute lambda peut y contribuer. D’ailleurs, c’est à l’avantage du sociologue d’aujourd’hui d’avoir accès aux deux manières d’accès à l’information. Il gagnerait à exploiter les deux sources pour plus d’efficacité et de pertinence. Comme on dit dans le jargon, il doit trianguler les données. 

Selon vous est-ce les TICS ont des inconvénients dans votre domaine ? si oui lesquelles ?

Oui, les inconvénients que les TICs pourraient avoir dans la recherche sociologique, c’est celles qui ont été mentionnées un peu plus haut. Ce ne sont pas toutes les informations qui circulent sur Internet qui sont vraies, même celles qui semblent émaner de sources populaires. Toutefois, on ne regrette pas qu’Internet soit né, car il demeure et demeurera une source incommensurable d’informations et de connaissances autant que la télévision.

Oui, plusieurs inconvénients mais vous en tant que spécialiste en retour quelles propositions pouvez-vous faire pour que les universitaires puissent les utiliser pour une meilleure insertion professionnelle ?

Le terme insertion professionnelle est un processus qui commence, d’abord, par l’amélioration de l’employabilité de l’apprenant qui passe par différentes phases aux fins de le préparer pour le monde du travail. Car les TICs seules ne peuvent pas favoriser l’emploi. C’est, par exemple, de sensibiliser l’apprenant dès le début de sa formation aux réalités du marché de l’emploi, ses tendances principales qui vont l’aider à prendre une décision sur sa future carrière qu’il va peu à peu peaufiner dans son projet professionnel. Ensuite, il devra maîtriser les instruments élémentaires de recherche d’emploi comme le CV et la lettre de motivation qu’il doit savoir correctement formater à l’aide de l’ordinateur. Et au besoin, il peut s’adonner à des simulations d’entretien d’embauche à l’aide de l’ordinateur. Mais, hormis certains logiciels spécialisés, l’apprenant doit au moins maîtriser les logiciels clés de la suite bureautique de Microsoft (Word, Excel, PowerPoint, etc.)

Docteur, quel message avez-vous à lancer à nos dirigeants pour que ces propositions puissent être prises en compte pour que les TICs puissent faire partie intégrante dans la formation des étudiants pour leur insertion dans le monde du travail et pallier à d’autres problèmes socio-politiques ?

Je crois que depuis belle lurette, les autorités étatiques et les bailleurs de fonds ont compris le rôle primordial que les TICs peuvent jouer dans la formation et l’insertion professionnelle des apprenants. Je me rappelle encore que lorsque Gnamien Konan devint ministre, il proposa qu’il ait une année de propédeutique où les étudiants allaient apprendre, en 1ère année, seulement l’anglais et l’informatique. Il y a eu une levée de boucliers car, dans ce cas, la Licence serait de 4 ans au lieu de 3 ans. Le projet n’a pas abouti, mais en 2015, il a contribué à mettre en place l’Université virtuelle de Côte d’Ivoire, ce qui permet de désengorger un tant soit peu les universités classiques que sont Cocody, Bouaké, Korhogo, Daloa, etc.

Il faut le souligner, les TICs seules ne parviendront pas à résoudre le chômage, le sous-emploi et le travail précaire des diplômés, c’est juste un moyen comme tant d’autres, les langues étrangères, par exemple. Il faut plutôt travailler sur l’acquisition de compétences afin d’améliorer leur taux d’employabilité. Or, ce que nous observons, à ce jour, c’est d’essayer d’insérer des apprenants dont le niveau laisse à désirer.

Yero Kouadio


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