A Kafiné, village situé au sud-ouest du département de Niakara, si rien n’est fait, une situation conflictuelle entre une société minière et les riverains qui dure déjà des années, risque de tourner au drame. Le ministère des Mines, du Pétrole et de l’Énergie et les plus hautes autorités du pays doivent prendre le taureau par les cornes pendant qu’il est encore temps. De quoi s’agit-il exactement ?
Les populations de Kafiné, dans le département de Niakara, sont unanimes sur la question de l’installation d’une société d’exploitation minière dans leur localité. Ils ne veulent pas entendre parler de cette activité chez eux, au regard de l’ampleur des dégâts environnementaux et agricoles enregistrés dès les premiers jours de travail d’une société minière chinoise. Ils ont justement exprimé leur opposition à « Golden Dream », ladite société, le Jeudi 11 Janvier 2024 dernier.
Eux qui sont allés démanteler les installations d’exploitation de l’entreprise chinoise. « Nous sommes fatigués de ce phénomène qui dure dans notre localité depuis des années. Nous sommes excédés car après avoir détruit les terres rizicoles relativement éloignées du village, ils veulent maintenant s’attaquer aux seules terres qui nous restent et aux proximités de nos résidences. Nous n’accepterons pas cela ». Ce sont les mots de Koné Martin, président des jeunes dudit village.
Effectivement, notre équipe qui s’est rendue dans la localité, a constaté la justesse des propos de Kone Martin. Le nouveau site d’exploitation en perspective se trouve à quelques encablures du village, précisément, à moins d’un kilomètre.
Notons qu’une digue séparait l’eau usée des parcelles déjà exploitées et celle d’un cours d’eau appelé « Nabion » qui servait d’eau de consommation et d’irrigation de cultures pour les riverains.
Aussi une canalisation connectée au grand barrage est-elle faite pour l’irrigation de 150 hectares de riz. Un projet réalisé par l’Etat de Côte d’Ivoire pour soutenir la riziculture dans ce village réputé pour l’importance de la production de riz dans le département de Niakara. Et c’est là que la goûte d’eau a fait déborder le vase. Golden Dream, l’entreprise chinoise aurait ouvert la digue le 1er Janvier 2024, dans l’intention d’évacuer l’eau usée, boueuse, issue de l’exploitation de l’or. Le constat des dégâts reste amer. Cette eau a non seulement envahi une importante parcelle de riz dont pour certains non encore récolté, mais aussi a atteint la canalisation aménagée pour l’irrigation des 150 hectares de riz.
Notre expédition du samedi 13 janvier 2024, nous a permis de constater également le déversement de cette eau boueuse dans le cours d’eau « Nabion » qui alimente les populations de cinq campements riverains.
Aussi le « Nabion » qui était pour certains, une source d’approvisionnement en poissons, s’est vu vider de son contenu en ressources halieutiques. C’est du moins ce que nous a dit Koné Kapra Leopold, lui qui selon les propos, faisait une recette journalière de 25.000 à 40.000 frs de vente de poissons. Avec la pollution du cours d’eau, il n’a pris qu’un seul poisson le Samedi 13 Janvier 2024 dernier. Léopold ajouté que cette eau ne peut plus servir à irriguer ses parcelles de cultures maraîchères car, il y aurait un dépôt rougeâtre sur les plants. C’est avec désespoir qu’il dit envisager les récoltes prochaines.
En tout cas, l’acte posé par l’entreprise chinoise a consacré une union sacrée des filles et fils du village de Kafiné contre une éventuelle exploitation d’or dans leur localité.
C’est d’ailleurs à en croire Koné Martin, les raisons du déferlement des jeunes sur le site d’installation des matériels de Golden Dream le Jeudi 11 Janvier 2024 dernier qui a vu leur démantèlement.
Camara Lonanl Camus, fils et cadre du village a pour sa part, fait l’historique de la situation d’orpaillage dans ladite localité. Selon lui, c’est depuis 2018 que les velléités d’installation d’une société d’exploitation d’or sur les terres de Kafiné se sont manifestées. Selon lui, la première société était également une société chinoise qui avait engagé des démarches pour obtenir un permis d’exploitation minière qui n’avaient pas abouti parce-que l’étape de l’étude de l’impact environnemental et social qui reste fondamentale pour la livraison du permis d’exploitation, n’était pas favorable. Ladite société aurait insisté auprès de lui, afin qu’il se rende complice de la validité d’un permis d’exploitation, amputé de certaines dispositions légales. Ce qu’il aurait refusé. Mais contre toute attente, cette même entreprise serait revenue avec un permis d’exploitation signé par le préfet d’alors. Un bras de fer s’en était suivi entre cette société et les populations et cette première entreprise aurait abdiqué.
Golden Dream constitue donc la deuxième société prétendante à l’exploitation de ces parcelle. La position des populations est restée inchangée. Mais l’entreprise chinoise dit ironiquement, être munie d’un permis d’exploitation, selon Camara Lonan Camus, qui rejette la validité de ce permis, car pour lui, l’étude de l’impact environnemental et social n’a pas changé. Curieusement dit-il, « ils m’ont montré une étude de l’impact environnemental et social signée d’une autorité administrative de Niakara et d’un nommé Zamblé ». Lonan dit ne pas reconnaître ce document. « Nous ne donnerons notre avis favorable que lorsqu’il nous sera présenté un permis d’exploitation conforme aux normes légales, ayant été soumises à une étude sérieuse. Nous nous opposerons à tout document tripatouillé », a-t-il indiqué avant de justifier leur refus par le fait qu’une exploitation minière dans cette localité endommagera l’équilibre environnemental et social par la pollution du barrage et la destruction de l’espace rizicole de 150 hectares pour une production de 1200 tonnes de riz l’année. Il reste catégorique que le refus des riverains est légitime dans la mesure où les parcelles d’exploitation concernées sont exclusivement des propriétés du village de Kafiné.
Puis de lancer un appel à l’endroit du ministère de tutelle, à l’effet de suivre avec rigueur l’étape de l’étude de l’impact environnemental et social, avant toute livraison de permis d’exploitation minière. Il demande au ministre des mines d’etre regardant sur la signature des permis, surtout au niveau du point de l’impact environnemental et social. Pour lui, toute compétence en dehors du ministère doit être mise à l’écart pour ne laisser que le seul cabinet du ministre s’en charger en regroupant les villages pour une étude sérieuse et sincère. Sinon a-t-il conclu, toute autre structure intermédiaire risque de faire signer par le ministre de faux permis qui entraîneront des litiges inutiles.
Interrogé sur la situation qui prévaut dans son village, le chef Camara Lonan Antoine s’est radicalement opposé à l’installation de Golden Dream sur ses terres. Il a évoqué les mêmes conséquences que ses prédécesseurs. Mieux, il a déploré la situation conflictuelle que ce dossier tend à provoquer entre le village de Kafiné et celui de Ouéréguékaha.
Camara Mignan, présidente de la coopérative « Yekpoholo » par ailleurs productrice de riz, une victime de la destruction de la digue par l’entreprise chinoise, dit avoir perdu au moins 10 sacs de 100 kilogrammes de riz à cause de l’eau usée qui avait inondé son riz déjà moissonné. Elle a exprimé tout comme Camara Kongnon, présidente des femmes de Kafiné, son raz le bol quant à l’ampleur des dégâts provoqués par la destruction de la digue. Elles ne veulent pas également entendre parler d’installation de société d’exploitation minière dans leur village, qui selon elles, est victime de cette activité qui a détruit la quasi totalité des terres cultivables.
Assemian Navenko