Musique/Sur les traces de la star malienne du reggae Koko Dembélé

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Cela fait 25 ans que Koko Dembélé pratique le reggae mais n’a pas envore la renommée de ses alter ego ivoiriens, Alpha Blondy et Tiken Djah Fakoly. Le chanteur malien, malgré son talent incontesté ne jouit que d’une réputation régionale. Mais son 5ème album « Tieb », pourrait rectifier le tir.

Recevoir sur une scène française la figure tutélaire du reggae malien s’apparente presque à la réparation d’une injustice : si l’artiste sexagénaire compte sur le plan local, chez lui, et a influencé plusieurs générations de compatriotes, ses performances live hors du continent et en particulier en Europe sont plus que rares. Avec Tieba, son nouvel album commercialisé dans son pays depuis fin 2017, il espère que ce décalage va en partie se résorber.

Cette fois, les conditions semblent réunies. En choisissant l’an dernier de le soutenir et de le faire bénéficier de son savoir-faire en matière de développement et d’organisation de l’économie de la musique, la Fondation Passerelle montée à Bamako par la chanteuse Rokia Traoré lui a apporté une caution indéniable, et remis en lumière sa valeur artistique. Dans les locaux de Missabougou mis à sa disposition et devant le public du Blues Faso, il a pu roder les chansons de son cinquième disque, enregistré en grande partie à Montpellier, dans le sud de la France, avec à la clé un son et une production d’un niveau enfin digne de son statut.

À ses côtés, des musiciens de renom, mais surtout de cercles divers dont la présence témoigne en filigrane du respect qu’ils ont à son égard : le regretté Zoumana Tereta, joueur emblématique du sokou (violon traditionnel) qui livrait ici une de ses dernières prestations ; le Français Manjul longtemps installé dans la capitale malienne ; ou encore l’harmoniciste Vincent Bucher, sûrement croisé à Bamako au studio de Mali K7 dans les années 90 à l’époque où le Français accompagnait le bluesman malien Lobi Traoré.

Enfant du ghetto

La révélation du reggae date, pour Koko Dembele, de la fin des années 70, lorsqu’il entend Jimmy Cliff, Burning Spear et Bob Marley. « Le reggae est une musique liée à la situation sociale précaire des gens, qui sont souvent privés de leurs droits élémentaires, et j’en faisais partie. À Mopti comme dans chaque grande ville, il y a des quartiers de riches et des quartiers de pauvres. Et moi, je suis né dans ces quartiers-là », explique celui qui se considère comme un « enfant du ghetto ». Venu au reggae pour « transmettre le message », il a longtemps été surnommé… Hugofré (pour Hugues Auffray). Porté par le magazine Salut les Copains, le temps des yéyés a déteint jusqu’au Mali, rappelle le chanteur.

Sans doute son envie de guitare, alors que l’instrument familial est le balafon, résulte-t-elle aussi de cette attirance pour une forme de modernité, lui qui a grandi dans un environnement traditionnel, à l’est du Mali, entre Mopti et Bandiagara, haut-lieu du pays Dogon. « Je suis un élève d’Amadou Hampaté Bâ », fait-il savoir, revenant sur l’amitié qui unissait le célèbre auteur d’Amkoullel, l’enfant peul à son maître en musique, Sorry Bamba.

Celui-ci avait intégré le jeune Mamadou « Koko » Dembele dans l’orchestre régional Kanaga de Mopti, une des formations maliennes les plus en vue à la fin des années 70 et au début de la décennie suivante. « J’y ai appris beaucoup de choses : arranger, chanter… Il y avait au moins 17 membres ! On était emportés par la musique moderne, la pop, le rock… Même les morceaux du Kanaga, on a commencé à les faire en reggae. Mais Sorry a dit qu’il ne fallait pas les gâter ! » se souvient l’artiste aux longues dreadlocks.

Direction Abidjan

Quand son mentor quitte l’orchestre, il en fait autant, et rejoint Abidjan en Côte d’Ivoire. « C’était la plaque tournante de la musique africaine, c’est là qu’il fallait être pour rencontrer ses acteurs importants », raconte-t-il. D’autant qu’Alpha Blondy vient d’ouvrir la voie pour le reggae africain. Suivre l’exemple du « grand frère » prendra quelques années. « Ça n’a pas été facile du tout pour moi », résume pudiquement Koko Dembele.

Son premier passage télé en 1992 dans l’émission Premières Gammes débloque la situation. Le directeur artistique du programme et illustre arrangeur Boncana Maïga est séduit, et lui propose dans la foulée d’enregistrer l’album Baguinée au studio JBZ, là même où Alpha Blondy a fait naître Jah Glory. Avec le titre Amagni, le Malien réussit à faire parler de lui jusqu’au Brésil, puisque son titre y est repris en 1997 par le groupe Olodum. Deux albums sur le même modèle suivront, en 1998 et 2003, puis un quatrième conçu cette fois à Bamako en 2005, grâce à l’appui de Tiken Jah Fakoly qui lui prête son studio et ses musiciens de passage, le temps d’une nuit.

Au-delà du style musical qu’il défend avec vigueur, c’est par ses paroles – en bambara, en dogon, en bozo, en songhaï et plus rarement en français – ainsi que par ses prises de position que Koko Dembele a su se faire apprécier. Dignité, honnêteté, voilà les valeurs aux connotations moralisatrices qu’il décline. Au besoin en se faisant accusateur, comme dans La Plaie de l’Afrique, une des chansons de son nouvel album qui montre du doigt la responsabilité des « intellectuels au service du mal ». Ses réflexions ont fait leur chemin, trouvé une résonance chez d’autres artistes. Ousco, ancien rappeur de Smod converti au reggae, ne cache pas l’avoir beaucoup écouté. D’autres représentants de la génération actuelle comme Master Soumy, Mylmo ou Iba One aussi. « Ils ne font pas la même musique que moi, mais tous viennent me voir pour me demander des conseils. Le respect est là. C’est bien », observe le chanteur, qui sait distinguer tradition et conservatisme. Si ce n’était pas le cas, il n’aurait probablement jamais osé exposer sur son nouveau disque sa version reggae de Gambari, un des titres phares du Kanaga de Mopti !

Sources Rfi

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