Procès du putsch manqué au Faso/Diendéré et l’affaire de la valise d’argent venue d’Abidjan

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Le Parquet continue de cuisiner le général Gilbert Diendéré à la barre du Tribunal militaire du Faso, siégeant à la salle des banquets de Ouaga 2000.

Le vendredi 30 novembre 2018, au 2ème round de leur face-à-face, le présumé principal cerveau du putsch manqué de septembre 2015 est resté ferme et imperturbable sur la ligne de défense adoptée depuis le début de sa déposition devant la Cour présidée par le juge hors hiérarchie Seydou Ouédraogo. Celle  »d’assumer » ses responsabilités. Et protéger aussi bien des co-accusés que des soutiens extérieurs allégués. Il s’agit notamment de frères d’armes de pays de la sous-région (Togo et Côte d’Ivoire) qu’il dit avoir contactés pour bénéficier de matériels de maintien de l’ordre ou encore d’appuis financiers. A ce propos, le mis en cause des faits de coup de force se défend d’avoir donné des noms de manière délibérée. « Je n’ai pas subi de pressions physiques. J’ai subi, par contre, des pressions morales et psychologiques. C’était insupportable. J’ai été amené à dire des choses que je ne voulais pas », s’est-il dédouané, sans convaincre le procureur assesseur, Sidi Bécaye Sawadogo. D’où la question de savoir s’il a subi des pressions du juge d’instruction lors de l’étape de l’instruction à la Chambre de contrôle puis celle de la mise en accusation et de renvoi devant le Tribunal militaire. « Le juge d’instruction, de la manière dont il montait le dossier, ne m’inspirait pas confiance. Le président de la Chambre de contrôle a refusé que je parle. J’avais voulu parler et dire que je n’étais pas d’accord avec la manière dont l’instruction était menée, orientée. Cela m’a été refusé. J’ai insisté, le juge a refusé et j’ai été amené à dire des choses que je ne voulais pas », critiquait-il, droit dans ses bottes.

Révélations. Interrogé par la suite sur ses rapports avec l’ex-président du Faso, Jean-Baptiste Ouédraogo, et l’archevêque Paul Ouédraogo, dont les propos contenus dans les PV d’audition lus à la barre par le Parquet, le patron de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (Rsp) – unité redoutée du pays des hommes intègres – a fait des révélations. « J’étais de ceux qui ont renversé le président Jean-Baptiste Ouédraogo en août 1983. Je ne sais pas s’il a ça encore dans le cœur. Sous la Transition, les choses se sont, je pense, apaisées. Je passais par lui pour donner des messages au président Michel Kafando », a-t-il confié. « Quant à Mgr Paul Ouédraogo, je n’ai pas de problèmes particuliers avec lui. Il était de ceux qui étaient au ministère de la Défense le 16 septembre 2015 pour discuter de la crise. Là, ils m’ont demandé d’aller parler aux jeunes du Rsp. J’ai dit non. La solution était de me référer à la hiérarchie militaire pour ne pas être seul à gérer la situation », soutenait le spécialiste en renseignements militaires, diplômé de la célèbre école française de guerre, Saint-Cyr. Il précisait, par ailleurs, que la prise en main du dossier par tous les chefs militaires était la meilleure solution pour sortir de la crise née du rapt en plein Conseil des ministres. « La solution du putsch, nous (chefs militaires ; Ndlr) l’avons prise ensemble. Nous l’avons adoptée avec tous les chefs militaires, y compris le chef d’État-major des armées », a-t-il évoqué. Cette version va être contestée par l’Accusation sur la base des pièces I 71 et I 73 ainsi que des passages de la déposition à la barre du commandant Aziz Korogo, chef de corps du Rsp au moment des faits (survenus deux semaines après son retour au pays d’une formation au Cameroun). Tout tend à démontrer, dans ces pièces, à en croire le procureur, que le principal accusé a manœuvré en 45 minutes pour prendre le pouvoir. « Comme tout est gâté, aujourd’hui, tous mettent tout sur moi. Le président Jean-Baptiste, quand vous lisez ces déclarations, parle de 2 va-et-vient. Il n’y a jamais eu 2 va-et-vient entre le ministère de la Défense et le camp Naba Koom où le Rsp était. La rencontre avec le Rsp, c’est moi qui l’ai proposée. Eux m’ont dit d’aller parler aux jeunes. J’ai dit non. Je propose une délégation et non moi seul », réitérait-il. « Certains disent que Mgr Paul Ouédraogo est arrivé à 19h, à 21 h. D’autres disent à minuit. Finalement, il est venu à quelle heure ? Eux tous parlent de 45 minutes. C’est bizarre ! », raillait-il.

Colère et guerre juridique. Suscitant des rires dans la salle. Lesquels ont mécontenté le juge-président Seydou Ouédraogo, qui menacera de faire vider la salle. « On n’exprime pas des signes de joie dans la salle », rappelait le  »policier » de l’audience, dont l’état de colère va se transporter chez la Défense. En effet, les avocats de Gilbert Diendéré ont piqué une grosse colère quand le Parquet a sorti une pièce à charge querellée pendant plus de 30 minutes de guerre juridique entre l’Accusation et la Défense. Il s’agit d’une interview réalisée par le journaliste de Radio Liberté, Atiana Serge Oulon. Lâchée par le procureur Sidi Becaye Sawadogo, qui voulait démontrer la contradiction entre les déclarations du prévenu à la barre et des propos d’éléments audio tenus le 23 septembre 2015, cette pièce a fait l’effet d’une bombe du côté de la Défense. Laquelle a explosé immédiatement. « L’accusé doit être informé des documents et de toutes pièces qu’on lui oppose. Nous sommes en train de déraper. Il faut que nous revenions à l’orthodoxie du Droit », martelait l’avocat ivoirien de l’accusé, Me Bernard Guizot Takoré. « La Défense dit que la pièce doit être antérieurement dans le dossier pour être discutée. Ce n’est pas ce que l’article 427 du code de procédure pénale dit. C’est sur la base de l’article 427 que nous agissons et l’article 427 parle clairement de liberté de la preuve. Sinon aucune disposition de l’article 427, donc de la loi, ne dit que la preuve doit être antérieurement obligatoirement dans le dossier. Ne disons pas ce que la loi n’a pas dit », réagissait le procureur Sawadogo. « Le Parquet fait une lecture partielle et partiale de l’article 427 du code pénal burkinabé. La liberté de preuve ne signifie pas que le procès pénal devient un plateau d’embuscade », protestait Me Takoré. « La présence de la Défense, c’est déjà pour discuter contradictoirement. La Défense a peur de quoi ? Qu’elle laisse le général répondre sur la contradiction entre ces propos dans cette interview et ceux à la barre ici », recadrait le substitut du procureur Ousmane Zanré avant de se voir ‘’couper la route’’ par le juge-président.

Eclairages sur les 85 millions de F cfa. Cuisiné par le procureur principal Ousmane Zanré sur les 85 millions de F cfa remis à des soldats de son ex-unité, le général Diendéré critiquait la mauvaise compréhension de ses propos relevés dans le Pv d’audition à la gendarmerie. « Vous avez une mauvaise compréhension de cette phrase », démontait-il. « Je serais intéressé par la bonne compréhension. Les 85 millions n’ont pas pu servir le 29 septembre 2015 à vos hommes pour rejoindre leurs garnisons surtout qu’ils avaient été payés le 15 septembre », estimait le procureur militaire. « Le 15 septembre, c’était la veille du 16 septembre. Beaucoup de banques étaient fermées. Ils n’ont pas eu le temps d’aller toucher leurs salaires. Les bonds de transport en question, c’est bien après le 29 septembre au camp 1178 et non avant », précisait le Gal Diendéré, ajoutant que dans la matinée du 29 septembre, des éléments du Rsp présents au camp Naba Koom, encerclé par des artilleurs venus d’autres garnisons du pays, prêts à raser les lieux, lui ont rappelé la promesse d’un soutien financier pour s’occuper de leurs familles. Et non pour résister. « Le matin du 29 septembre, ils m’ont rappelé ma promesse. Les 85 millions F ont été remis conformément à ma promesse. Les laisser dans le camp encerclé, pouvait être fatal pour eux. J’ai fait ce que je devais faire pour les inciter à partir. Un point, c’est tout », tranchait-il. Notons que le Parquet passe le relais, lundi 03 décembre 2018 aux avocats des parties civiles.

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