En RDC, c’est connu. Joseph Kabila ne sera pas candidat à sa succession. L’homme aura longtemps maintenu le suspense.
La dernière fois que Joseph Kabila s’est exprimé clairement sur son avenir politique, c’est en 2007, dans les colonnes du magazine Jeune Afrique. Le tout jeune président élu l’avait assuré : «Joseph Kabila n’est pas comme les autres. J’ai donné ma parole d’honneur en promulguant cette Constitution, je n’y toucherai donc pas. Le pouvoir use. Il faut savoir s’arrêter».
Des confidences distillées
Depuis, le chef de l’Etat congolais a toujours dit qu’il respectait la Constitution qui prévoit la limite du nombre de mandats présidentiels mais il entretenait le flou sur sa propre candidature, surtout avec ses proches collaborateurs. Notamment avec les leaders du parti au pouvoir, le PPRD, qui ont pour certains ces derniers mois appelé à voter pour Joseph Kabila ou même promis que Joseph Kabila resterait président après les élections le 23 décembre prochain.
Pourtant, depuis le début de l’année, Joseph Kabila l’aurait dit à différentes occasions, mais plutôt en dehors de son cercle: au G7 minier, les sociétés qui s’opposaient au code minier, selon certaines confidences, le chef de l’Etat congolais leur aurait assuré qu’il serait un homme d’affaires l’an prochain ; au cardinal Monseigneur Monsengwo qu’il ne serait pas candidat ; le président Kabila l’aurait fait comprendre également à son homologue angolais João Lourenço la semaine dernière ; ou encore tout récemment devant des proches, Joseph Kabila aurait reconnu qu’il s’agissait d’un moment difficile pour lui. Mais il n’était pas allé jusqu’à donner sa décision finale. Il avait quand même fait voter une loi portant sur le statut des anciens chefs d’Etat au cours d’une session parlementaire extraordinaire, qui lui accordera l’amnistie.Un homme secret et méfiant
Joseph Kabila n’a eu qu’une poignée d’hommes de confiance. Il a toujours été secret, méfiant, les commentateurs les plus gentils diront timide, reclus. Chez lui, ce n’est pas le pouvoir qui isole, c’est sa nature, dit un journaliste congolais. « Sa force c’est de savoir se taire ».
D’aucuns assurent que chaque 16 janvier, depuis dix-sept ans, il revit douloureusement l’assassinat de son père. D’autres n’y croient pas une seule seconde. Tous en tout cas voient en lui un animal politique, froid. Il n’a que 29 ans quand il prend la tête d’un pays de 80 millions d’habitants. Un peu par hasard mais il faut gérer l’héritage…
Homme politique et homme d’affaires, Joseph Kabila pilote la RDC pour un clan, le sien. « Sa seule réussite ironise un opposant c’est d’avoir su faire fructifier son empire ». Le dimanche, c’est repos et réceptions dans son ranch à une centaine de kilomètres de Kinshasa. A la question d’un journaliste : y a t-il une vie après le pouvoir ? Joseph Kabila aurait répondu : « Ne vous inquiétez pas, je ne me suiciderai pas. »
Pour Adolphe Muzito, ancien Premier ministre, cette décision n’est pas une surprise.
LA FRANCE SALUE LA DÉCISION
A Paris depuis hier, c’est le soulagement qui prédomine. Témoin le vocabulaire utilisé pour qualifier le choix de Joseph Kabila de ne pas se représenter : « Si elle ne règle pas tout, c’est quand même une décision historique en Afrique centrale », se félicite une source diplomatique de haut rang ; une source qui tient même à saluer « une posture assez courageuse du président Kabila ». « La bonne nouvelle, ajoute-t-elle, c’est que la Constitution n’a pas été triturée ».
Une réaction qui tranche avec l’attitude jusque-là discrète de Paris dans ce dossier, une discrétion qui lui a d’ailleurs valu de nombreuses critiques. La France préférait agir dans l’ombre : quelques semaines après l’élection d’Emmanuel Macron, Franck Paris, le conseiller Afrique du président et Rémy Maréchaux, le directeur Afrique du Quai d’Orsay s’étaient ainsi discrètement rendus à Kinshasa pour rencontrer Joseph Kabila. Les opposants, eux, n’ont cessé de défiler ces derniers mois dans le bureau de Rémy Maréchaux, signe que Paris suivait le dossier de près. « Ce qui s’est passé donne raison à notre approche », juge aujourd’hui ce diplomate, une approche faite de diplomatie discrète et d’engagement avec les acteurs, notamment régionaux. « Ce qui a fonctionné ce sont surtout les messages venant de la région », estime notre source. La France va ainsi continuer d’appuyer les initiatives régionales, car beaucoup de questions restent encore en suspens, comme la validation des candidatures et le respect du calendrier électoral.
■ De fortes pressions internationales
La communauté internationale n’a cessé ces derniers mois d’enjoindre Joseph Kabila de ne pas se représenter. Et à l’approche de la date limite de dépôt des candidatures, les pressions internationales n’ont cessé de s’accentuer.
Les Etats-Unis ont tout fait pour pousser Joseph Kabila à ne pas se porter candidat. Les Américains, aidés dans ce dossier par la Belgique, les Nations unies et l’Union européenne qui n’ont cessé d’appeler au respect de la Constitution et des accords de la Saint-Sylvestre. Pour tenter de faire entendre raison au président congolais, les Etats-Unis et l’Union européenne ont eu régulièrement recours à l’arme des sanctions à l’encontre des caciques du régime, les Etats-Unis menaçaient même ces derniers jours d’étendre ces sanctions à sa famille. Une diplomatie offensive qui suscitait de plus en plus l’hostilité de Kinshasa.
Témoin le refus du président Kabila de recevoir en juillet dernier Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies et Moussa Faki, le président de la commission de l’Union africaine ainsi que Nikki Haley, l’ambassadrice américaine à l’ONU. Une communauté internationale qui avait de plus en plus de mal à se faire entendre ces derniers mois. Voilà pourquoi cette dernière a choisi de jouer une autre carte en début d’année, celle de la pression régionale.
Avec les départs de Jacob Zuma en Afrique du Sud et d’Edouardo dos Santos en Angola, Joseph Kabila a perdu deux précieux soutiens régionaux. Leurs successeurs sont donc à leur tour entrés dans la danse pour tenter de faire entendre raison au président congolais. Jeudi dernier, Joseph Kabila s’est d’ailleurs rendu en Angola où les autorités lui ont une nouvelle fois demandé de respecter la Constitution, sous-entendu, de ne pas se représenter. Une stratégie régionale à laquelle avait également pris part l’Union africaine ainsi que la France, une stratégie de l’usure qui a finalement sans doute porté ses fruits.
Sources Rfi