CAN 2023/Quel bilan pour Bouaké

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Le rideau es tombé sur la 34è édition de la Coupe d’Afrique des Nation (CAN) organisée chez nous en Côte d’Ivoire, le dimanche 11 février 2024. Elle s’est déroulée du 13 janvier au 11 février 2024 et a vu le sacre des Eléphants. Dans la capitale du Centre, Bouaké qui a hébergé pendant cette compétition majeure, l’une des poules, en l’occurrence la poule D, regroupant les équipes d’Algérie, du Burkina, Angola et Mauritanie, l’heure est au bilan. Quel impact la CAN a eu sur la capitale de Gbêkê, avant, pendant et après ? Avant de trouver une réponse à cette question, le riverain lambda ou le voyageur en transit, se rend tout de suite compte que Bouaké a évolué d’une ville placide à un centre dynamique sur les plans, infrastructurel, sportif économique, social, mental et culturel. Il est clair que la CAN de l’hospitalité a eu un impact évident et palpable sur la ville et sur les populations qui y vivent. Désormais, Bouaké est une ville qui a tourné le dos définitivement à l’instabilité chronique et à la violence comme mode d’expression et de revendication. On se souvient en effet de la parenthèse honteuse des nombreux soulèvements militaires et autres crises d’étudiants et de travailleurs sociaux, aptes à prendre la rue pour faire aboutir leurs revendications avec tous les désagréments engendrés. Oui hélas, mille fois hélas des riverains ont laissé leur vie dans ces heures chaudes que personne ne souhaite revivre. Tout cela est sûrement rangé dans l’armoire aux oubliettes. C’est justement l’objectif du nouveau premier magistrat de la ville, le maire Amadou Koné, lui qui s’est donné pour slogan premier, le concept de « Bouaké nouveau », largement adopté par toutes les composantes de la population. Quel donc le bilan de la CAN, notre CAN à Bouaké ?

Disons le sine dié, à la faveur de cette CAN, la ville de Gbêkê s’est transformée qualitativement dans tous les domaines. 

Les infrastructures routières

La capitale de Gbêkê était déjà bien en chantier avant le coup d’envoi de la CAN. La ville qui a reçu plusieurs kilomètres de bitume après la visite d’État du président de la République Alassane Ouattara, qui en avait fait la promesse, a vu de nombreuses voies réhabilitées quand de nouvelles ont été ouvertes. La réhabilitation de la route nationale traversant la ville reliant les deux corridors Nord et Sud, le prolongement effectif de l’autoroute du Nord jusqu’à Bouaké, ont été des réalisations phares perçus comme des signes annonciateurs d’un évènement exceptionnel dans la ville. L’accent a également été mis sur l’embellissement de ces voies. Le rond-point de la cathédrale, le carrefour de la cité CNPS sur la voie menant à l’aéroport réaménagé, tout comme d’autres endroits stratégiques de la ville, distillent de nuit comme de jour, des couleurs vivantes et attractives. 

Sur le plan sanitaire, le Centre hospitalier universitaire, CHU de Bouaké, s’est doté d’un centre d’hémodialyse entièrement équipé capable de recevoir en plein régime, au moins 30 malades. Un nouveau CHR a également ouvert ses portes en novembre 2023 avec une capacité de 150 lits et dispose d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) de dernière génération pour détecter les maladies les plus cachées. Ces nouvelles infrastructures sanitaires sont venues renforcer l’ancien hôpital général et les différents centres de santé communautaires et urbains de Bouaké. 

A la faveur de la CAN, de nombreuses structures hôtelières aussi bien publiques que privées ont ouvert leurs portes, offrant ainsi des garanties d’hébergement aux visiteurs. Ainsi, l’hôtel du stade R+5 avec 52 chambres et 8 suites a servi de cadre de logement à l’équipe algérienne quand le Ran hôtel R+4, 4 suites et 56 chambres était destiné à la délégation officielle de la Confédération africaine de football (CAF). A cela, il faut ajouter plusieurs complexes hôteliers réalisés par des opérateurs économiques privés. Tous ces complexes hôteliers ont contribué à héberger de nombreuses délégations officielles et privées venues participer à la fête. 

Les infrastructures hydrauliques et électriques

La question de l’eau déjà résolue de façon durable depuis la fameuse crise de l’eau de 2017 avec la réalisation de plusieurs forages et la station d’eau de la Loka alimentée désormais depuis le lac Kossou à Béoumi sur plus de 40km, a assuré aux pensionnaires des  complexes hôteliers la quiétude, le confort et la sérénité. L’on a vite fait d’oublier cette fameuse pénurie d’eau, qualifiée de situation catastrophique à Bouaké qui a secoué les ménages pendant plusieurs semaines à cause du dessèchement du barrage de la Loka suite à une sécheresse sans précédent. Aucune pénurie d’eau n’a été signalée dans aucun de ces lieux. Il en a été de même pour la fourniture en courant dont aucun désagrément n’a été non plus constaté. 

Les infrastructures sportives. Le stade de la paix de Bouaké, les terrains annexes d’entraînement et la cité CAN, de véritables joyaux. Le stade de la paix de Bouaké est incontestablement l’un des plus grands symboles de la renaissance de Bouaké. D’un accès facile de toutes les positions géographiques de Bouaké, tout le monde s’accorde à dire qu’il est un chef-d’œuvre architectural. Situé au cœur du quartier de Ngatakro de Bouaké, le stade de la Paix de Bouaké a été entièrement rénové en 2018 pour accueillir les matchs de la CAN 2023. Il est ainsi passé de 25 000 à 40.000 sièges, soit un surplus de 15 000 sièges. La pelouse a été retravaillée pour des matchs plus palpitants, et les gradins, la loge officielle, les grilles de protection, l’infirmerie, les douches et même les toilettes ont été rénovés pour offrir une expérience de match exceptionnelle. Tout dans ce stade a été fait selon les normes internationales de la FIFA. A côté de lui, des terrains d’entraînement annexes ont été réalisés avec des pelouses dont la qualité n’a rien à envier à celle du stade lui-même. Son nombre de places et sa taille font de lui, le deuxième plus grand stade du pays avec celui le stade Félix Houphouët-Boigny. Rencontrée à la faveur du match de poule Algérie-Angola, le témoignage de cette spectatrice achève de vous convaincre sur la fierté qu’il procure aux riverains. « Je n’avais pas encore mis les pieds dans ce stade jusqu’à ce jour où je suis venue avec des amies pour suivre le match entre l’Algérie et l’Angola. A partir de cet instant, j’ai compris que plusieurs atouts ont milité en faveur de l’organisation de la CAN 2023 à Bouaké. Outre le climat agréable et équilibré, une stabilité retrouvée, une population passionnée par le sport, le stade de la paix de Bouaké est extraordinairement beau. C’est un bel édifice sportif pour accueillir de grandes compétitions internationales. Je suis fière d’être Ivoirienne, je l’ai toujours été, mais aujourd’hui encore plus », a lâché Rachelle Kouadio Affoué, enseignante. Que dire de la cité CAN. Simplement qu’elle est sublime avec ses 32 villas de luxe de 5 pièces chacune. Le premier ministre Robert Beugré Mambé, n’avait pas s’empêcher de souligner sa satisfaction après avoir visitée l’ensemble des infrastructures construites ou réhabilitées à la faveur de la CAN : « Bouaké avait besoin d’être soutenue par des infrastructures redonnent la vitalité reconnue de cette 2e grande ville de Côte d’Ivoire… Le stade de Bouaké est magnifique. Je repars très satisfait », avait-il indiqué. La CAN, il est certain, va à terme laisser un héritage durable pour la ville. Les installations sportives modernisées resteront un atout pour Bouaké, attirant d’autres événements sportifs et renforçant sa réputation en tant que destination accueillante et touristique. Les routes et infrastructures rénovées serviront à la fluidité et à l’amélioration de la vie de la population après l’événement. 

Une activité économique locale redynamisée. En vue de promouvoir les potentialités et le développement de l’activité économique locale, et conformément à sa vision de bâtir un Bouaké nouveau, la municipalité de Bouaké a organisé, en marge de la Coupe d’Afrique des Nations de football, avec l’appui du Centre de Promotion des Investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI) et du Comité de Concertation Etat Secteur Privé (CCESP), un forum dénommé « Invest In Bouaké ». Cet important évènement s’est tenu les 25 et 26 janvier 2024 à la préfecture de région. Ce Forum, une initiative personnelle du maire Amadou Koné, a eu pour objectif général, de promouvoir les potentialités économiques, les projets et opportunités d’investissements dans les secteurs prioritaires de la commune de Bouaké. Il a vu la participation de nombreux investisseurs et chefs d’entreprises nationaux et étrangers, présents dans notre pays à l’occasion de la CAN 2023, notamment ceux des pays de la poule D, les collectivités territoriales décentralisées et les populations de la région du Gbêkê. A dire vrai, le forum « Invest in Bouaké » aura été véritablement positif pour la capitale du centre. A preuve, à l’occasion, le Conseil Coton Anacarde, United Aryan, la Compagnie Ivoirienne pour le Développement des Textiles (CIDT), la Compagnie Ivoirienne de Coton (COIC) et la mairie de Bouaké ont signé un mémorandum d’entente le jeudi 25 janvier 2024 pour la création d’une unité de textile et d’habillement totalement intégrée. La réalisation du projet doit également permettre de créer, à terme, 50 000 emplois. Le projet permettra de transformer le coton produit localement en textiles et vêtements et de créer de la valeur dans l’économie ivoirienne. Il permettra également de faire de la Côte d’Ivoire un pionnier en Afrique de l’Ouest dans le secteur du coton, de l’industrie du textile et de l’habillement, et un partenaire et acteur majeur sur la scène internationale dans ledit secteur. Le Forum « Invest In Bouaké » entend promouvoir les potentialités économiques, les projets et opportunités d’investissements dans les secteurs prioritaires de la commune de Bouaké. A l’ouverture du Forum, le maire de la ville, Amadou Koné, le ministre des Transports, a présenté un catalogue de projets innovants et porteurs de richesses qui pourraient intéresser les investisseurs. Dans l’agro-industrie, Bouaké veut disposer de plantations intégrées avec 600 ha pour le maïs irrigué, 50 ha pour le piment destiné à l’exportation, 2 000 ha pour l’ananas et 6 000 ha pour le riz. Pour l’élevage, Bouaké prévoit l’installation d’une ferme avicole de 1,2 million de têtes, un abattoir moderne de volaille, un ranch à bétail de 3 000 têtes, ainsi qu’une unité de fabrication d’aliments pour animaux. Il a  saisi l’occasion pour présenter sa vision du «  Bouaké Nouveau » et a exhorté les opérateurs économiques à « venir investir à Bouaké en toute sérénité ». « Notre vision du « Bouaké Nouveau » est de faire de Bouaké une cité cosmopolite, paisible et prospère ; un carrefour d’échanges par excellence ; et un pôle agro-économique de développement durable et inclusif. Cette vision se traduit par la volonté de faire de Bouaké le Hub de la mobilité verte, en développant l’écotourisme, des unités d’assemblage de motos et de véhicules électriques, et que Bouaké redevienne le Hub de l’industrie textile » a-t-il détaillé. Le communiqué du Forum a annoncé qu’une entreprise est prête avec un projet d’investissement de 210 milliards FCFA, pour la relance de la filière textile, depuis la filature jusqu’à la confection et la commercialisation. Ce projet, qui va créer 30 000 emplois directs et 30 000 emplois indirects, a fait l’objet de la signature d’un protocole d’entente entre les grands producteurs de coton, la mairie de Bouaké et cette entreprise. Les commerçants, les gérants d’hôtels, de restaurants, de bars, de même que les petits vendeurs de gadgets (vuvuzelas, casquettes, écharpes, chaussures, tee-shirts à l’effigie de tous les pays participants, ont réalisé de grosses affaires. 

Une ville assainie. A l’approche du grand rendez-vous, la ville a fait sa toilette. Plusieurs opérations de salubrité ont été entreprises aussi bien par la municipalité que par des groupements sociaux. Les actions menées dans ce sens, ont été le curage des caniveaux, le nettoyage des espaces publics, des gares routières, des marchés, écoles et autres centres de santé, le déguerpissement des commerçants, vendeurs d’articles divers, des maquis, bars et restaurants qui occupaient de façon anarchique les trottoirs des voies réservées à la circulation, si ce n’est des voies elles-mêmes. Cette opération initiée par la mairie bien avant la CAN, n’a pas rencontré l’agrément de toutes les populations, mais était acceptée globalement. « Je suis particulièrement d’accord avec ces opérations de déguerpissement. Il y avait des rues totalement occupées par les marchands. Ce n’est pas normal. Aujourd’hui grâce à la mairie, on se rend compte qu’on avait de belles voies. La visibilité est dégagée et nous respirons mieux. Je remercie le maire et son équipe », a dit Tondossa Adama, opérateur économique. Mlle Reine Lydie Kouamé partage son avis. « Je voudrais demander au maire de faire en sorte que les commerçants déguerpis ne reviennent plus sur leurs pas. Cette action avait été déjà menée et saluée par la ministre Anne Désirée Ouloto. Mais elle n’a pas été suivie et tous les déguerpis sont revenus sur leurs positions. Il ne faut pas que cela reprenne, sinon ce sera ridicule ». Des latrines pour hommes et femmes ont été installées à divers endroits du quartier des affaires, le commerce et sont régulièrement entretenues. Désormais plus d’urination et de défécation à l’air libre et à Dieu les mauvaises odeurs difficilement supportables en ces endroits. « C’est beau, c’est chic, c’est du jamais vu à Bouaké. Nous qui exerçons notre petit commerce ici, en sommes heureux. je félicite les initiateurs de ces toilettes publiques », a dit Dramé Sita commerçante. 

Au plan social, l’événement a permis de relever le moral autrefois fragile des riverains à l’instar de celui de l’ensemble des populations ivoiriennes en général. Les habitants de Bouaké ont vu les deux faces de leur ville. « Vous pouvez sûrement ne pas avoir une idée de ce que l’état actuel de Bouaké signifie pour nous. Nous sommes très fières de voir les gens circuler librement sans aucune crainte, c’est un sentiment formidable », a déclaré Touré Miwogui Modeste, un natif de Bouaké. « La beauté et la force unificatrice du football sont évidentes à Bouaké. Cela témoigne de la façon dont ce sport rassemble les gens. Il y a tant de choses à retenir et dont nous sommes heureux. Je me demande si nous serons capables de raconter à la postérité comment, autrefois, le football est arrivé dans la ville et a tout changé. En disant ces mots, je suis particulièrement heureux pour le premier capitaine des Eléphants, le président de la République Alassane Ouattara. Cette victoire est d’abord la sienne parce qu’il y a cru dès les premiers instants », a soutenu Charles Kouamé, agent de santé. A Bouaké, tout n’a pas été rose avec la CAN. Il a fallu aux populations se soumettre à certaines contraintes, notamment un plan de circulation contraignant les jours de matchs créant parfois des heurts avec les forces de l’ordre qui ont su faire preuve de professionnalisme et de sang-froid. La principale voie menant au stade, la route de l’Université Alassane Ouattara, et la voie jouxtant le Collège St Viateur étaient fermées très tôt les matins. Les travailleurs et notamment les enseignants exerçant dans ce périmètre, ont rencontré de nombreuses difficultés à se rendre au travail, obligés qu’ils étaient bien de fois, de garer leurs véhicules et engins bien loin de leurs lieux de travail. Les lampions se sont éteints le dimanche 11 février sur la 34è édition de la CAN au Stade Olympique d’Ebimpé Alassane Ouattara avec le sacre des Eléphants

A l’heure du bilan, après la CAN 2023, deux décennies plus tard, l’histoire a complètement changé pour la deuxième plus grande ville du pays.Bouaké que certains continuaient encore de regarder comme une base  pour les rebelles, a joué sa partition dans l’organisation de la plus belle CAN jamais organisée en Afrique. Pendant la compétition, dans la cité, tout n’était que faste et apparat. Elle aura été comme le symbole de la victoire des Eléphants au soir du 11 février 2024, parce qu’il a fallu que nos champions se qualifient pour la demi-finale face aux Léopards de la RDC, après avoir écarté les aigles du Mali en quart de finale. A partir de cette rencontre, beaucoup d’Ivoiriens ont commencé à y croire. Au-delà de la beauté du football, la ville va profiter des retombées de la CAN CAF Total Energies qui lui a pratiquement tout donné : infrastructures, opportunités économiques pour les habitants. En termes de matchs joués à Bouaké, l’on en a compté 09. Le match Côte d’Ivoire-Mali, aura été le match qui a battu le record de l’affluence au stade de la paix de Bouaké et dont la victoire a été la plus célébrée.

JPH

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