Colombie/La nouvelle vie des FARC après 53 ans de guérilla

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Dans la jungle colombienne, les bébés ont remplacé les armes. Depuis que la paix avec Bogota a été signée en 2016, des centaines d’ex-combattantes FARC ont décidé de donner la vie. Comme pour rattraper le temps perdu. Pendant les 53 années qu’a duré le conflit, les grossesses étaient interdites. Celles qui tombaient enceintes étaient obligées d’avorter ou d’abandonner leur enfant. Le chiffre exact de ces nouvelles naissances n’est pas connu, mais il semble suffisamment conséquent pour que l’on parle de « baby-boom ». Et que ces bébés incarnent l’espoir d’une paix durable.

La photojournaliste Catalina Martin-Chico s’est rendue à deux reprises en Colombie pour documenter ce phénomène. Elle est allée dans trois des vingt-six zones de transit où les anciens guérilleros ont été regroupés pour préparer leur insertion dans la société. Si ses clichés sont empreints d’une certaine douceur, leurs légendes révèlent le dur apprentissage de la « vie normale ». Il y a de quoi. Comment apporte-t-on la vie lorsqu’on a été entraîné à tuer ? Comment fonde-t-on un foyer quand on a quitté le sien à l’adolescence ? Comment devient-on sédentaire après des années à se déplacer ?

« La guérilla m’a fermé le cœur »

A travers une galerie de portraits, Catalina Martin-Chico raconte le quotidien de ces femmes qui ont participé à la plus longue guérilla de l’histoire. Il y a parmi elles Angelina. On la regarde donner le sein à son bébé au milieu d’un chemin creusé d’ornières que bordent des tentes kaki. « La guérilla m’a fermé le cœur, racontera-t-elle plus tard. J’arrive à le rouvrir avec mon fils. » Lorsqu’elle a rejoint les FARC à 11 ans après avoir été chassée par sa mère, Angelina a dû prendre un nom de guerre : Olga. « En s’engageant, ces filles ont dû abandonner leur vie d’avant. Elles ont dû se trouver un nouveau nom, couper tout contact avec leur famille », indique la photojournaliste.

Comme Angelina, la plupart des femmes rencontrées se sont engagées alors qu’elles n’étaient âgées que de onze à quinze ans. C’est aussi le cas de Yorladis qui expose son ventre rond dans une chambre tapissée de posters de dessins animés. C’est sa sixième grossesse. Elle en a eu cinq durant la période de guérilla, toutes avortées, dont la dernière à six mois. « J’ai dû l’accoucher comme un bébé arrivé à terme, il était grand et formé. J’ai fait un trou à côté de ma tente, je l’ai enterré et j’ai passé deux heures à le pleurer », se souvient-elle.
Des possibilités de reconversion limitées

Deux ans après la signature des accords de paix, les camps de transit se sont transformés en villages. Beaucoup les ont quittés pour rejoindre leurs familles. Ils ont été remplacés par les proches de ceux qui ont préféré rester. Pour ces hommes et femmes qui ont passé leur vie l’arme au poing dans la nature, les possibilités de reconversion sont limitées : soit garde du corps, soit paysan. Mais le travail de la terre ne s’improvise pas et leurs savoirs en la matière restent sommaires. « Ils ne pouvaient élever du bétail ou cultiver un potager que lorsque les combats se calmaient, remarque Catalina Martin-Chico. Le reste du temps, ils se nourrissaient des produits achetés aux paysans. »

Certains, comme Chechis et Leonardo, ont choisi de s’installer en ville. Ils y vivent dans la peur du rejet et le sentiment d’être haïs. Car en 53 ans, les combats ont fait 260 000 morts, 7 millions de déplacés et des dizaines de milliers de disparus. Une grande partie de la population colombienne était opposée aux accords de paix ; elle aurait préféré voir les anciens combattants jugés. Le nouveau président Ivan Duque a lui-même dénoncé durant sa campagne électorale un texte jugé trop favorable aux ex-guérilleros.

Malgré cette hostilité et des moyens de subsistance limités, les anciens FARC vont-ils parvenir à poursuivre leur chemin vers la paix ? Les femmes rencontrées par Catalina Martin-Chico y semblent en tout cas déterminées. « Avec leurs enfants, plus aucun retour en arrière n’est possible. Plus question pour elles de reprendre les armes », rapporte la photojournaliste.

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