Côte d’Ivoire/Bouaké, Béoumi, Daoukro, Prikro, M’bahiakro, Ouellé… Un an après le boycott actif, le douloureux souvenir des populations. (Reportage)

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Consciente de sa débâcle à la présidentielle du 31 octobre 2020, une certaine opposition appelait ses militants à un boycott actif sur l’ensemble du territoire ivoirien pour empêcher l’élection du président de la République Alassane Ouattara. Le mode opératoire de cette action savamment planifiée par ses commanditaires fut partout le même. Obstruction des voies entre les villes et villages et parfois des voies internes pour rendre quasi impossible, l’accès des bureaux de vote aux électeurs. Tout ce qui pouvait permettre aux exécutants de ce mot d’ordre de parvenir à leur triste fin sera utilisé. Notamment l’abattages de nombreux et gros toncs d’arbres sur les routes. Ainsi fort heureusement, la majeure partie du pays ne s’est pas associée à cette sale besogne qui connaîtra du succès dans plusieurs villes du centre: Béoumi, Sakassou, Daoukro, M’bahiakro, Prikro, Ouellé, Bongouanou, M’batto…Les conséquences furent énormes. Entre autres de nombreux accidents de la route avec mort d’hommes provoqués par ces barrages, sans compter  les difficultés de ravitaillement des populations vivant dans ses zones en vivres et médicaments et produits de première nécessité… Un an après, les populations riveraines de ces zones se souviennent de cette parenthèse honteuse qu’elles condamnent fermement et demandent que plus jamais cela ne se reproduise en Côte d’Ivoire

La ville de Bouaké ne s’est pas associée au boycott actif. Toutes les tentatives de l’opposition pour associer à leur cause la capitale du centre, sont restées vaines. « Pour une fois, Bouaké ne s’est pas associée au diable. Mais Bouaké a souffert des effets néfastes de cette  sortie de route d’une opposition tatillonnante. A l’intérieur de Bouaké, nous étions tranquilles mais nous avions nos frères et sœurs à Sakassou, Béoumi, Tiebissou… Ils ont vécu l’enfer et nous avec eux du fait que se déplacer vers eux, était périlleux. La première fois que j’ai décidé d’aller à Yamoussoukro par Tiébissou, j’ai eu mal pour mon pays. J’ai vu des carcasses de dizaines de véhicules, des cars de transport, de gros camions citernes et de transport de marchandises brûlés. Même aujourd’hui, les traces de ce boycott actif sont perceptibles par endroits. Quelles pertes pour le pays.! Des opérateurs économiques ne se remettront plus jamais des destrictions de leurs biens. Imaginez surtout leur traumatisme et celui de tous ces voyageurs pris dans ces pièges. Je dirai simplement, oh honte à ceux qui ont osé déstabiliser le pays d’Houphouet Boigny. Une seule demande à l’état. Que les commanditaires du boycott actif qui sont bien connus, soient traités comme des terroristes », plaidé N’guessan K. Jonas, couturier. 

Konan Attoungbré enseignant à Béoumi: « Le boycott actif de 2020 est une énorme bêtise politique. En appelant les militants à s’opposer à la tenue des élections par tous les moyens, l’opposition mettait en danger la vie de nombreuses personnes. A Béoumi le boycott à été à la base de beaucoup d’exactions. J’ai en mémoire les véhicules saccagés et brûlés, les personnes blessées. Sans compter que les fonctionnaires n’arrivaient plus à aller à Bouaké pour les différentes opérations. Combien de personnes sont mortes par manque de soin ? Quand je note que des dirigeants politiques de renoms s’étaient inscrits sur cette voie, j’ai de la peine. Qu’ont-ils obtenu à la fin si ce n’est de livrer des citoyens qui ne demandaient qu’à accomplir leur devoir civique à la mort. Pour moi c’est une grave erreur de l’opposition ». 

Sakassou, a également été le théâtre du boycott actif avec le même refrain. Des jeunes ennivrés par l’alcool et autres stupéfiants ont érigés de nombreux barrages sur les routes. Kouassi Kouamé Richard a eu le malheur d’être pris à leur piège sur la voie de Bouaké. « Lorsque je suis arrivé à leur barrage, ils m’ont intimé l’ordre de m’arrêter si non ils allaient tirer sur moi. Ils m’ont roué de coups avant de me fouiller et emporter mon mon argent et mes téléphones portables. Ils m’ont traité de vendu. A la fin j’ai dû rebrousser chemin parce que je n’avait plus rien sur moi. C’était simplement du vandalisme cautionné par l’opposition qui leur demandait d’agir par tous les moyens. Il faut qu’ils assument maintenant ». 

Dame Suzanne Akpoué dit qu’évoquer le boycott actif aujourd’hui chez elle, c’est remuer le couteau dans la plaie, elle qui a perdu sa tante dans un barrage entre son village et M’bahiakro. “Je vais pardonner la mort de ma tante, mais je n’oublierai jamais. Deux jours avant la tenue du scrutin du 31 octobre 2020, ma tante est tombée malade à Alangbassou. L’infirmier du village à demandé son transfert sur l’hôpital de M’bahiakro. A l’entrée de M’bahiakro, nous sommes tombés sur un barrage érigé par des jeunes surexcités. L’ambulancier et moi sommes descendus pour aller leur expliquer la situetion. Ils n’ont rien voulu entendre. Nous sommes restés auprès d’eux de 9h jusqu’à 13h et plus. Puis l’ambulancier est allé effectuer sa manœuvre pour qu’on retourne au village. C’est là qu’il s’est rendu compte que ma tante avait rendu l’âme bien avant. Ce sont les leaders de l’opposition qui ont tué ma tante. Elle ne ne reviendra plus à la vie, c’est connu. Mais que ces opposants demandent pardon à la nation pour leurs torts ». 

A Prikro Kouassi Kan A n’est pas prêt d’oublier le boycotté actif. Son véhicule a essuyé des tirs à un barrage à l’entrée de Ouellé, alors qu’il allait réceptionner du matériel de vote. « Nous avions été stoppés à un barrage à l’entrée de Ouellé où nous venions réceptionner le matériel de vote. Ma chance à moi, c’est qu’un jeune de ce barrage m’avait identifié. Il m’a demandé de m’éclipser avant que ses camarades me repèrent. Ce que j’ai fait avec le chauffeur. De notre cachette, je les voyais discuter. Certains voulaient que notre véhicule soit brûlé, quand d’autres s’y sont opposés. Finalement, il ont fouillé le véhicule de fond en comble avant de le vandaliser. Les quatre pneus ont été détruits avant que la batterie soit emportée. Nous avons dû marcher sur 8km avant d’emprunter un taxi moto pour retourner sur Prikro. Les troncs d’arbres à ce barrage donnaient l’impression d’avoir été coupés par des professionnels à la tronçonneuse. C’est dire que c’était un travail bien planifié et même financé. A Prikro plusieurs malades ont perdu la vie faute d’avoir été évacués sur Bouaké ou Daoukro. Pour moi, ceux qui ont lancé le boycott actif doivent rendre compte avant qu’on ne parle de pardon. Il faut qu’on arrête de tuer impunément dans ce pays », lance-t-il amer. 

N’dri K Fulgence, agent de santé à Daoukro, pense que la palme du boycott actif revient à Daoukro. « Tous les accès de la ville étaient obstrués par des barrages, même les pistes des champs. À la sortie du village de Benanou en allant vers Bouaké, je me demande comment les gens s’étaient pris pour amasser tous ces énormes troncs d’arbres. C’était une montagne de troncs d’arbres impossible à un piéton de franchir. Dans tous les villages de Daoukro il y avait des barrages, parfois plus de 5 dans le même village. Nous étions au bord d’une axphixie économique. Tous les produits de première nécessité faisaient déjà défaut. Je pense que si la situation avait perduré quelque jours de plus c’ était la mort pour tous. Daoukro a été champion du boycott actif, un bien pâle palmarès qui n’est pas à l’honneur du fils le plus illustre de cette ville, le président Bédié. Vraiment que cela ne se reproduise plus. Mais le gouvernement doit rendre publiques les résultats des enquêtes sur ce boycott actif par région et situer les responsabilités ». 

L’une des région où le boycott a connu du succès est le Moronou région voisine de l’Iffou. Plus d’une quarantaine de barrages  pour le seul axe Daoukro-Arrah-Bongouanou. Attemené Jean Gabin, est l’un des survivants du car de transport victime d’un accident de la circulation du fait d’un barrage anarchique entre Arrah et Bongouanou. « Si je suis en vie, c’est grâce à Dieu. Nous avons fait un accident à un barrage anarchique entre Arrah et Bongouanou. Notre chauffeur est rentré avec le car qui nous transportait dans un tronc d’arbre. C’était la nuit et il ne l’avait pas vite vu. Quatre personnes sont mortes sur le coup. Les responsables de cet accident, sont ceux qui avaient appelé au boycott actif. Comment comprendre que des personnes qui se targuent d’être des démocrates invitent leurs concitoyens à perpétrer de tels actes. Tout le monde sait que le boycott actif à été financé par ses initiateurs. Ils ont donné de l’argent à des jeunes pour tuer des honnêtes citoyens. Ils doivent payer pour leur irresponsabilité. Tous aujourd’hui, courent sans honte pour aller se faire recevoir par le Président de la République. Pourquoi alors tous ces gâchis à travers le pays ? Il est grand temps que cette opposition murisse ». 

Vous pouvez le constater, un an après, le boycott actif reste encore vivace dans la mémoire des populations où il a été suivi. Dans leur grande majorité, elles demandent que la lumière soit faite sur ce fait suffisamment grave. Mieux, elles veulent que ces initiateurs répondent de leurs actes auprès de la justice. « Plus jamais que cela se reproduise dans notre pays » lancent-elles également. 

JPH 

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