Le 1er janvier dernier, j’ai eu la surprise de recevoir un sms du président Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci-Rda), qui me souhaitait la bonne année.
J’étais surpris, parce que c’était la première fois de ma vie que je recevais ses voeux de cette façon. Je l’en ai remercié et lui ai dit que je viendrais volontiers lui présenter les miens de vive voix. Il m’a répondu : « Tu es le bienvenu. » Plus tard, son service de communication m’a convié au déjeuner qu’il offrait à la presse le jeudi 10 janvier à Daoukro. À Daoukro, rappelons-le, vivent ma mère et plusieurs autres membres de ma famille. Aussi, me suis-je retrouvé dans cette ville le jeudi 10 janvier, et ai-je présenté mes vœux au président Bédié, avec des présents comme je le fais chaque année.
J’ai également participé au repas qu’il a offert à la presse auquel il m’avait lui-même convié à la fin de notre rencontre. Le lendemain matin, j’ai constaté que son service de communication avait envoyé la photo de notre rencontre à plusieurs personnes et journaux, et certains se sont demandé si j’étais allé faire allégeance au président Bédié.
J’ai un grand respect pour le président Bédié, en raison de tous les postes qu’il a occupés dans ce pays, et aussi parce que je suis ressortissant de Daoukro dont il est quelque peu le patriarche. Je fais partie de la première promotion à avoir passé le baccalauréat au lycée moderne de Daoukro en 1978, et notre promotion s’appelait justement Henri Konan Bédié. Il était notre parrain.
Lorsqu’il était Président de la République, je fus l’un de ses plus grands laudateurs, pour ne pas dire l’un de ses sofas. Je l’avais suivi dans son combat contre Alassane Ouattara et avais soutenu son concept d’ivoirité. Je me suis démarqué de lui lorsque j’ai constaté tout le mal que ce concept faisait à notre pays. Plus tard, j’ai applaudi lorsqu’il s’est réconcilié avec Alassane Ouattara.
J’ai versé une petite larme à Yamoussoukro en novembre 2010, lorsqu’il a appelé ses partisans à voter pour Alassane Ouattara. Et j’ai constaté avec joie, comme beaucoup de nos compatriotes, que le tandem qu’il formait avec le Président de la République avait permis à notre pays de retrouver sa stabilité et de renouer avec la croissance. Et j’ai été malheureux, et je le suis toujours, lorsque j’ai vu M. Bédié devenir un irréductible opposant à M. Ouattara.
J’ai cru comprendre à travers ses propos et ceux de certains de ses proches qu’il veut être candidat en 2020 et il en voudrait beaucoup au Président de la République de ne pas le soutenir dans ce projet.
Je persiste à croire et à dire que c’est une erreur de la part de M. Bédié, et que cela risque d’être le combat de trop. Et sur ce chemin-là, je ne le suivrai jamais. Que les choses soient bien claires. J’estime qu’avec le parcours qui est le sien, sa place n’est plus dans l’arène, mais au-dessus de la mêlée. J’aurais voulu qu’il fût celui qui réconcilie Alassane Ouattara et Guillaume Soro, Affi N’Guessan et Simone Gbagbo, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, plutôt que celui qui prend position pour l’un contre l’autre. J’aurais voulu qu’il fût celui qui rassemble tous les fils du Pdci-Rda, même les plus turbulents, plutôt que celui qui exclut. J’aurais voulu qu’il fût l’homme des discours apaisants, et non celui aux violentes diatribes. J’aurais voulu qu’il s’entourât de colombes plutôt que de faucons. Au fait, avec qui le Pdci-Rda compte-t-il reprendre le pouvoir lorsqu’il chasse tous ses cadres ? Je pense que la place du Pdci-Rda est dans le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qu’il soit unifié ou pas.
L’houphouétisme, c’est l’union, pas la division. Je voudrais rappeler que c’est le président Bédié qui a, le premier, parlé de la nécessité de créer un parti unifié dans son « appel de Daoukro. » Relisez bien son discours. Je pense aussi que dans la vie, il arrive toujours un moment où il faut passer la main
Lorsque l’on est déjà entré dans l’histoire, il faut savoir y rester. Le Chef de l’État a invité le Président Bédié à deux reprises à passer le relais à une autre génération, en citant les exemples de plusieurs dirigeants occidentaux qui sont à peine quadragénaires. La Côte d’Ivoire a changé. Les Ivoiriens aussi. Dans leur grande majorité, ils ont moins de trente ans. Notre pays a une histoire particulière que nous avons tous contribué à écrire, et qui nous a amenés à nous battre il n’y a pas très longtemps.
Nous devons impérativement tourner cette page en passant le relais à une autre génération. Faisons attention à ne pas réveiller de vieux démons comme nous le faisons actuellement. Que tout le monde, dans tous les camps, garde en mémoire que nous avons un pays encore fragile, que des mots, de simples mots peuvent faire beaucoup de mal.
Venance Konan