Bien que divisée, l’opposition comptait manifester pour protester contre la Commission électorale indépendante (CEI) et la tenue d’élections sénatoriales, samedi. Sur les deux rassemblements prévus ce jeudi à Abidjan, un seul a pu se tenir.
Il est seulement 7 heures du matin, ce jeudi 22 mars, mais la place des Martyrs à Adjamé est déjà bouclée par les forces de l’ordre. Le rassemblement qui doit s’y tenir à l’appel de la plateforme d’opposition Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS, qui regroupe plusieurs partis politiques, dont la tendance du Front populaire ivoirien dirigée par Aboudramane Sangaré), n’a pas été autorisé par les autorités.
Malgré cela, une cinquantaine de personnes tente de se réunir, pour protester contre la composition de la Commission électorale indépendante (CEI) et l’organisation des prochaines élections sénatoriales. La réponse de la police est immédiate. Les manifestants sont dispersés à coup de gaz lacrymogènes.
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Les partisans de l’opposition se sont ensuite mêlés à la foule massée dans ce quartier populaire d’Abidjan, jouant au chat et à la souris avec les policiers pendant plus de deux heures. Le flou régnait au point qu’il devenait difficile de différencier les passants des manifestants.
Une dizaine d’interpellations
À chaque tentative de regroupement, la police intervenait pour les disperser, parfois sans ménagement, utilisant des lacrymogènes et des grenades assourdissantes. Une dizaine de personnes ont été arrêtées, dont un porte-parole d’EDS, Jean-Gervais Tcheide, interpellé après avoir donné une interview à des journalistes.
Contacté par Jeune Afrique, le ministère de l’Intérieur a justifié sa décision d’interdire la marche de la coalition EDS au motif que « le tracé aurait perturbé la circulation ».
« L’itinéraire choisi était en plein milieu d’un axe emprunté par près d’un million d’Ivoiriens chaque matin. Lors des trois réunions que nous avons eu avec les organisateurs, à la préfecture, nous avons demandé que l’itinéraire ou la date de la marche soit modifiés. Comme il n’y a pas eu d’accord, nous avons émis un arrêté pour l’interdire », explique notre source.
Les autorités ont en revanche autorisé l’initiative de Pascal Affi N’Guessan. Comme annoncé, le président du FPI s’est rendu au siège de la CEI à la mi-journée, accompagné de plusieurs collaborateurs, pour y déposer un mémorandum signé par une plateforme regroupant 20 partis. Malgré quelques tensions entre une dizaine de ses partisans et la police, et après une première tentative infructueuse, Affi a pu remettre ce document au directeur de cabinet du président de l’instance, Youssouf Bakayoko.
« Nous ne reconnaîtrons pas ce Sénat »
« Il faut que nous nous engagions tous dans le combat pour une CEI respectant les standards internationaux, une CEI consensuelle, qui ne soit pas l’objet de polémique. Et qu’après cela, nous puissions mettre en place un Sénat inclusif dans lequel pourront siéger les représentants de l’opposition. Avec la démarche solitaire et anti-constitutionnelle empruntée par le chef de l’État, l’opposition en sera totalement absente« , a déclaré Affi.
« D’ici au 24 mars, beaucoup de choses peuvent se passer. Nous avons bon espoir que notre message sera bien transmis et que le chef de l’État fera à la Côte d’Ivoire l’économie de nouveau affrontements. Car dans tous les cas, si ces élections ont lieu, cela veut dire qu’on nous demande de rester mobiliser, dans la lutte, jusqu’à ce qu’une nouvelle CEI soit mise en place. »
Et de poursuivre : « Nous avons décidé de ne pas reconnaître le résultat de ces élections et le Sénat qui sera mis en place. Nous allons saisir toutes les instances internationales pour qu’il ne soit pas reconnu par la communauté internationale. »
À noter qu’en marge de ce rassemblement, le blogueur Daouda Coulibaly a été pris à parti par les forces de l’ordre. Son portefeuille, contenant 40 000 F CFA, aurait été saisi.
La Commission électorale est au centre des critiques, à la veille des élections sénatoriales qui se tiendront ce samedi. Le 19 mars, dix-huit formations d’opposition, dont la frange du FPI menée par Pascal Affi N’Guessan, avaient « retiré officiellement leur confiance et leur caution à la Commission électorale indépendante (CEI) ». Ils avaient notamment annoncé ne plus reconnaître les quatre membres de la CEI censés représentés l’opposition.
Dans un communiqué daté du 12 mars, Sansan Kambilé, le ministre ivoirien de la Justice, avait pour sa part estimé que « la question de la réforme de la composition actuelle de la CEI ne se justifie guère », affirmant qu’elle résulte « d’un large consensus de tous les acteurs ».