Pour la première fois depuis son élection à la Maison-Blanche, le président américain Donald Trump, twitteur acharné, a posté son premier tweet relatif à l’Afrique. Mais une fois encore, son approche a heurté les sensibilités. Petit rappel de ses frictions avec le continent.
Donald Trump a de nouveau parlé de l’Afrique. Peut-être beaucoup trop. Lorsqu’il a demandé à son secrétaire d’Etat Mike Pompeo de se pencher sur le dossier de la terre et des meurtres de fermiers blancs en Afrique du Sud, le président américain Donald Trump a déclenché l’ire des Sud-Africains, et au-delà, de nombreux Africains.
“J’ai demandé au secrétaire d’Etat @SecPompeo d‘étudier de près les saisies de terre et de fermes, les expropriations et les meurtres de grande ampleur de fermiers en Afrique du Sud”, a écrit Donald Trump sur son compte Twitter.
“Le gouvernement sud-africain saisit actuellement des terres appartenant aux fermiers blancs”, a-t-il ajouté, en s’inspirant d’une émission sur l’Afrique du Sud diffusée par la très conservatrice chaîne d’information Fox News.
À Pretoria, on considère cette intrusion de Donald Trump dans les affaires sud-africaines comme une réplique du “colonialisme” à l‘ère moderne. “L’Afrique du Sud rejette totalement cette vision étroite qui ne vise qu‘à diviser la nation et à nous rappeler notre passé colonial”, a écrit sur son compte Twitter le gouvernement sud-africain. “L’Afrique du Sud va accélérer le rythme de la réforme d’une façon prudente et inclusive qui ne divise pas la nation”, a-t-il ajouté.
Des tweets peu flatteurs
Donald Trump a souvent été accusé depuis son accession à la tête des Etats-Unis de porter rarement son attention sur l’Afrique. Et même quand il décide de le faire, la situation se retourne contre lui. L’exemple le plus récent et probablement le plus choquant est le scandale relatif aux “pays de merde”. Vocable qu’il aurait attribué à Haïti et aux pays africains. Indignés, des pays africains dont l’Afrique du Sud ont rapidement convoqué les ambassadeurs américains pour exiger des réponses sur cette affaire.
A l‘époque, le président américain a nié avoir tenu ces propos. Soit, mais ses précédents commentaires et tweets sur l’Afrique ne plaident pas en sa faveur. La dernière fois que Donald Trump a évoqué l’Afrique dans un tweet, c‘était en 2014, alors qu’il annonçait son intention de briguer la présidence américaine.
Il avait alors exprimé son inquiétude face à l‘épidémie d’Ebola dévastatrice qui a tué plus de 10 000 personnes en Afrique de l’Ouest : “Pourquoi envoyons-nous des milliers de soldats mal entraînés dans les zones infestées par Ebola en Afrique ! Ramenez la peste aux États-Unis ?”, avait-il écrit.
Une année plus tôt, en 2013, le milliardaire homme d’affaires s’intéressait également à l’Afrique, dans un tweet, mais pas de fort belle manière. “J’aime vraiment Nelson Mandela mais l’Afrique du Sud est un désordre qui ne demande qu‘à exploser !”, mentionnait son tweet.
“Détourner l’attention”
Mais ces tweets ne seraient pas aussi spontanés que ça. En tout cas, pas celui posté ce jeudi. Pour Patrick Gaspard, ancien ambassadeur américain en Afrique du Sud, le président Trump chercherait juste à détourner l’attention du scandale qui le menace actuellement dans son pays.
“Le président des Etats-Unis a besoin de distraction politique pour détourner le regard de sa cabale criminelle et il attaque l’Afrique du Sud avec un mythe racial pourtant démenti sur des + massacres à grande échelle +”, a tweeté le diplomate. “Cet homme n’a jamais visité l’Afrique et n’a pas de politique en Afrique”, a-t-il poursuivi.
Melania Trump, elle, semble avoir une autre approche de ses rapports avec le continent. Quelques jours seulement avant ce nouveau scandale, elle a annoncé une tournée africaine en octobre, en vue de découvrir la culture et l’histoire du continent.
« Pays de merde », avait-il qualifié l’Afrique avant de faire marche arrière
Face au président Paul Kagame, seul dirigeant africain qu’a manifestement souhaité rencontrer l’Américain Donald Trump, ce dernier a semblé faire marche arrière deux semaines après avoir tenu des propos « racistes » envers Haïti et certains pays du continent. « C’est un honneur d’être avec le président Kagame, nous avons eu une remarquable discussion. Ce que vous avez fait au Rwanda est absolument incroyable, nous faisons du commerce avec le Rwanda et nous avons une excellente relation », a-t-il déclaré lors d’une très courte conférence de presse commune. Visiblement admiratif du président Kagame, Donald Trump a poursuivi : « Je tiens à vous féliciter, Monsieur le Président, en tant que nouveau responsable de l’Union africaine. C’est un grand honneur. Votre nomination a été annoncée récemment, et c’est sincèrement un grand honneur. Je sais que vous allez à votre premier sommet, transmettez mes sentiments chaleureux, mais c’est un grand honneur de vous avoir en ami. »
Avant cette rencontre, le président Trump a d’abord rédigé un courrier : « Les États-Unis respectent profondément les partenariats et valeurs qu(‘ils) partage(nt) avec l’Union africaine, les États membres et les citoyens du continent », écrit-il dans cette lettre, datée du 25 janvier et transmise ce vendredi 26 janvier au président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, aux chefs d’État et de gouvernement ainsi qu’aux délégations réunies à Addis-Abeba, en Éthiopie, pour le 30e sommet de l’organisation panafricaine. « Je veux souligner que les États-Unis respectent infiniment les Africains, et mon engagement pour des relations solides et respectueuses avec les États africains en tant que nations souveraines est ferme », poursuit encore Trump.
Donald Trump, désirant échanger en privé avec le président rwandais Paul Kagame au Forum économique mondial de Davos, en Suisse, sait qu’il a affaire au futur président en exercice de l’Union africaine et à l’un des chefs d’État les plus respectés du continent africain. En effet, le chef de l’État rwandais doit prendre la relève de la présidence tournante après le Guinéen Alpha Condé, élu depuis le 31 janvier 2017. Déjà mercredi 24 janvier, le conseiller à la sécurité nationale du président américain Donald Trump, Herbert Raymond McMaster, avait annoncé une rencontre entre son président et son homologue rwandais Paul Kagame prévue pour le vendredi 26 janvier. Il avait souligné à cette occasion que l’homme fort du Rwanda était le seul chef d’État africain que Trump souhaitait rencontrer. Le président américain a ainsi prié Paul Kagame de transmettre ses « sentiments chaleureux » aux chefs d’État du continent, qui s’étaient récemment insurgés contre des propos « blessants » attribués par plusieurs sources au président américain.
L’UA, réunie en sommet les 28 et 29 janvier dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba, avait condamné mi-janvier les remarques « blessantes » de Donald Trump à l’encontre de plusieurs nations africaines. « Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici ? » s’était-il interrogé dans des propos rapportés par des médias. Couvrant son interlocuteur de propos élogieux, Donald Trump a parlé d’une « excellente discussion », « absolument merveilleuse » avec le chef d’État africain qu’il a eu le « grand honneur » de rencontrer dans la station de ski huppée.
Paul Kagame a, lui, jugé que l’entretien avait été « bon », ajoutant que les deux hommes avaient parlé d’économie et d’échanges commerciaux. Le président américain n’a pas répondu à des questions criées depuis la salle pour savoir s’ils avaient évoqué les propos sur les « pays de merde ».
L’Afrique continue de dénoncer la « haine » du président américain à son égard
Les ambassadeurs du groupe africain à l’ONU ont par exemple exigé « rétractation » et « excuses ». Le Sénégal et le Bostwana ont chacun convoqué l’ambassadeur américain. Et le gouvernement haïtien a, lui, dénoncé des propos « odieux et abjects ». Donald Trump a dans un premier temps réagi, comme souvent, via Twitter, avec une formule alambiquée : « Le langage que j’ai utilisé lors de la réunion était dur, mais ce ne sont pas les mots utilisés. »
Trop tard, car ces mots sont encore présents dans tous les esprits. Ce jeudi 25 janvier, à l’ouverture des travaux du conseil exécutif de l’Union africaine, le président de la Commission, le Tchadien Moussa Faki, avait déclaré que « l’Afrique n’a pas fini de digérer les déclarations du président des États-Unis, qui ont profondément choqué par les messages de mépris, de haine, de désir de marginalisation et d’exclusion de l’Afrique qu’elles ont véhiculés ».