Nelson Mandela vu sous plusieurs facettes

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Personnages différents, à l’instar de ses nombreux prénoms : Rolihlahla à la naissance, Nelson à l’école primaire, Dalibunga après son initiation, Madiba selon son clan, puis au fil des ans Tata (père) enfin Khulu (le grand/le grand-père).

Nous découvrons le mari amoureux. Il s’en veut d’avoir laissé à Winnie, son épouse, la charge d’élever seule leurs deux filles dans des conditions très difficiles, soumises à de mauvais traitements, exilées dans un village hostile.

Sans surprise, le père de famille prodigue des conseils à ses enfants. D’un premier mariage, il a eu quatre enfants dont l’un, Thembi, décède dans un accident de voiture en 1969. Mandela demande d’assister aux obsèques. Requête refusée.

Le chef de clan se montre parfaitement au courant des tractations au sein de son groupe, les Xhosas. Il félicite l’un pour son intronisation à la chefferie, tance l’autre pour avoir volé du bétail. Il démontre tout au long de sa correspondance une connaissance fine des pouvoirs traditionnels, notant au passage que Senghor, rencontré en 1962, lui a parlé d’emblée « de la fascinante histoire du fondateur de la nation zouloue. »

Une longue missive au chef Buthelezi, en février 1989, révèle un Mandela stratège. Il rappelle habilement les efforts de l’intransigeant Zoulou en faveur de la libération des prisonniers politiques, pour essayer de mieux l’associer à la suite des événements. Le hasard a voulu que je rencontre Buthelezi l’année suivante. Il prenait prétexte de cette lettre courtoise pour vilipender les responsables locaux de l’ANC, impolis à son égard et incapables d’opter pour la modération de leur leader. Mandela n’y pourra mais : la guerre civile au KwaZulu-Natal fera trois mille morts.

Le guérillero enfermé demeure un résistant de chaque instant. Très nombreuses sont les récriminations contre l’administration. De longues plaintes ou revendications, argumentées, écrites sur le ton le plus neutre, mettent en cause les conditions de détention dans le bagne de Robben Island.

Sans surprise, au fil des échanges, on observe le chef de parti, l’ami fidèle, le citoyen courtois : la première lettre de Mandela à Cyril Ramaphosa, dont il voulut faire son vice-président (et qui devint chef de l’Etat en 2018) ; un courrier chaleureux à Amina Cachalia (qui prend plus de relief quand on sait qu’il la demandera en mariage après son divorce d’avec Winnie) ; ses remerciements au boxeur Mike Tyson d’avoir envoyé ses gants à Soweto.

Des aspects moins connus de sa personnalité émergent. Le polyglotte se met à apprendre l’afrikaans afin de parler à ses geôliers. Ou bien, soucieux de sa silhouette suite à une opération chirurgicale, il explique sa volonté de sauter un repas.

Depuis le film Invictus de Clint Eastwood, nous savons que Mandela était amateur de poésie. Il l’exprime très clairement dans une lettre à Sipho Sepamla.

Enfin transparaît à chaque instant le négociateur méticuleux, intransigeant sur le fond, souple dans la forme. Mandela l’avocat se bat pour obtenir petit à petit la libération de ses camarades condamnés à perpétuité en 1964 à l’issue du procès de Rivonia. En bon capitaine, il est le dernier à quitter le navire carcéral en février 1990.

Nous ne le reverrons plus, notre Mandela, mais ses écrits confirment qu’il restera un personnage hors du commun pour son pays, pour l’Afrique, pour l’humanité.

RFI

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