NIAKARA/PHÉNOMÈNE DES ENFANTS MENDIANTS
Un vrai business pour des gens tapis dans l’ombre.
Un fait vous frappe immédiatement à l’œil, lorsque vous êtes à bord de votre véhicule personnel, ou que vous êtes dans un car de transport, lorsqu’il vous arrive de marquer une halte à la gare routière de Niakara, ou à l’une des deux stations essence de la ville. Vous êtes tout de suite assaillis par plusieurs enfants talibés, qui avec des petites cuvettes, qui avec des petits seaux qui encore avec de petites calebasses en main. Ils vous marmonnent quelques mots, vous laissant croire qu’ils demandent à Dieu de veiller sur votre voyage. Effectivement, l’on a besoin, avec cette route Niakara-Tafiré-Katiola qui a vu tous les qualificatifs lui être attribués, eu égard à son mauvais état. ( Route de l’enfer, route de la honte, route de la mort…), et que sais-je encore, sont entre autres innombrables qualificatifs. Fort heureusement, elle en voie de réfection. Oui, les enfants mendiants, parmi lesquels des enfants talibés qui vous accostent, prieront pour vous, mais ne vous trompez pas. En réalité, ils attendent que vous leur offrez quelques pièces de monnaie. Loin d’être un geste anodin ou banal, ces enfants sont au travail. Pas pour leur propre compte, mais pour des gens tapis dans l’ombre, des adultes qui défient la première dame Dominique OUATTARA et sa fondation, children of africa, qui fait du travail des enfants, son cheval de bataille. Ces enfants, parmi lesquels figure un maigre pourcentage d’enfants ivoiriens, du moins pour ce qui est du cas de Niakara, viennent pour la plupart de pays frontaliers du Nord de la Côte d’Ivoire. Les témoignages concernant leur activité sont concordants. ‘’Les gosses travaillent pour des adultes », qui chaque soir, font le point de leurs gains, avant de les rétribuer avec quelques miettes et leur servir à manger au gré de leurs humeurs. Nous appellerons volontairement l’un d’eux ‘’petit Moussa », qui a accepté d’échanger avec nous, contre un pain et une boîte de sardine. « J’ai 11 ans. Je suis venu en Côte d’Ivoire avec mon père. Il m’a dit qu’il partait travailler vers le fleuve. (Quel fleuve ?). Je devrais avoir en ce moment entre 8 et 9 ans. Depuis, il n’est plus revenu me voir. Un jour, je suis venu me promener à la gare et j’ai rencontré mon ami-il me le montre- Il m’a dit de venir avec lui le soir chez un monsieur pour qui il travaille. La nuit, nous sommes allés chez lui. Mon ami lui sa recette du jour. Il a compté. Ce jour là, ça avait bien marché pour mon ami. Il lui a remis deux cent francs et lui a demandé de retourner travailler. Après avoir fait connaissance avec moi, il m’a dit que si j’acceptais de travailler comme mon ami, je n’aurai plus jamais faim et qu’aussi, j’allais gagner beaucoup d’argent. C’est ainsi que j’ai rejoint le groupe. Nous sommes douze dans notre groupe. Et le vieux est notre père. Quand ça marche, il nous donne à manger ou pas quand on n’a pas fait une bonne recette. Parfois je peux gagner deux mille francs, mille francs, quand j’ai la chance de transporter des bagages, ou bien cinq cents francs. En dessous de cinq cent francs, le vieux se fâche. Si tu passe un jour sans rentrer, les autres vont te signaler au vieux, et là, ce n’est pas bon. Moi je le considère comme mon père. Parfois, il nous donne quelques habits. Mais ses enfants ne travaillent pas aussi avec nous. Ils vont à l’école. Pour la nourriture, nous nous débrouillons bien à la gare. Si on ne te donne pas de l’argent, on te donne de la nourriture. On aide aussi les gens à transporter les bagages. On peut aussi faire toutes sortes de petits travaux. Tout cela fait que parfois nous gagnons un peu d’argent ». Comme petit Moussa, beaucoup d’enfants mendiants travaillent pour des personnes tapies dans l’ombre. Parmi eux, aucun ne va à l’école, bien qu’il en aient l’envie. « Si mon père revient me chercher, je lui demanderai de me mettre à l’école. L’école c’est bien. Je veux savoir lire et écrire comme les enfants du vieux. Si je vais à l’école, j’aurai un jour une voiture », dit petit Moussa. Mais en attendant, c’est l’école coranique qu’il fréquente. << Quand nous sommes arrivés ici, mon père et moi, nous avons été hébergés par un marabout dont les enfants allaient à l'école coranique. Il a proposé à mon père de m'y envoyer. Ce qu'il fit. Mais dès qu'il est parti, on ne me donnait plus à manger à la maison. J'ai dû partir pour la rue. J'ai continué à aller à l'école coranique, mais pas de manière assidue. Aussi, quand j’ai commencé à travailler pour le vieux, je n’avais plus le temps. Je suis obligé de faire la recette de mon tuteur. Quand le maître coranique te revoit après une période d'absence, c'est l'enfer. J'ai donc préféré abandonner et travailler pour le vieux. Petit Moussa et ses pairs passent le clair de leur temps à la gare routière de Niakara, où plusieurs fois ils passent la nuit quand la fatigue a raison d'eux. Il n'a pas de vie de famille. Il n'a presque pas connu sa mère, et son père semble l'avoir abandonné parce qu’il ne lui a plus donné signe de vie, depuis qu'il est allé au fleuve. Si petit Moussa, lui est talibé, ce n'est pas le cas pour les autres. Ces derniers sont de simples mendiants qu'on rencontre avec le même mode opératoire à Katiola, à Tafiré et aussi à Bouaké. Sûrement que la mendicité de tous ces enfants dans ces différentes villes profite à des personnes insoupçonnées qui en tirent fortune et qui abusent de ces enfants innocents. Il est grand temps que l'autorité ouvre l'œil sur l’activité de ses enfants, qui apprennent aussi de mauvais comportements dans la rue, devenue leur lieu de travail au profit de certains adultes cachés.
JPH