Côte d’Ivoire/Un juriste déshabille Soro

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Analyse juridique et politique du Comité Politique (CP) créé par M. Soro Guillaume ce jour.

Avant d’aborder le fond et la forme de l’instrument « sui generis » créé par M. Soro, je voudrais une fois de plus rassurant mes ami(e)s Soroïstes qui continuent de m’interpeller inbox que je n’ai rien contre leur égérie. Bien au contraire, c’est parce que je lui trouve un certain intérêt que je décortique ses sorties, tout comme je le fais pour M. Affi (à qui je lui trouve un intérêt certain), M. Gbagbo, Ouattara et bien d’autres acteurs de la vie politique ivoirienne. Il n’y a donc rien de personnel.

Cette précision ayant été faite, analysons les éléments les plus pertinents de la conférence de presse de M. Soro, d’un point de vue juridique (1) et politique (2).

1 – Analyse juridique du Comité Politique (CP)

Il a été annoncé la création d’un Comité Politique par une décision de son fondateur, le député Soro.

a) dans la forme.

C’est une autorité déjà établie qui par décision prend un acte. Ainsi, un président d’un parti politique, un ministre, un préfet, un directeur d’une société… M. Soro, en sa qualité de simple député ne peut donc pas prendre une décision au sens administratif du terme vu que son acte juridique n’engage pas l’Assemblée Nationale.

Une fois que son Comité Politique aura été créé, alors il pourrait valablement, en sa qualité de président, prendre des décisions, mais pas avant.

M. Soro s’est certainement senti, inconsciemment, dans ses anciennes fonctions de 1er ministre ou il est très souvent décidé de créer des Comité interministériels ou même de Président de l’Assemblée Nationale où il pouvait créer des commissions. En effet, en sa qualité de président de l’Assemblée Nationale il pouvait prendre par exemple une décision de délégation de signature ou de pouvoir mais seulement en cette qualité et parce qu’il avait cette qualité.

En lieu et place de décision, il aurait été plus approprié de parler de « déclaration » de création d’un Comité Politique. Autant M. Soro communique très bien autant il fait preuve d’un certain laxisme sur les questions juridiques. Il gagnerait à s’entourer également de juriste. Tout n’est pas que communication en politique.

b) – dans le fond.

Quelle est la nature juridique du Comité Politique créé par M. Soro. De prime abord il apparaît comme une catégorie sui generis, donc inclassable. En effet, il n’entre pas la catégorie des associations politiques ni celle des associations civiles. La loi N* 93-668 du 9 août 1993 relative aux partis et groupements politiques, en son article 1er dispose que « aux termes de la présente loi, le Parti politique est une association de personnes physiques qui adhèrent aux mêmes idéaux politiques, s’engagent à les faire triompher par la mise en œuvre d’un programme, en vue de conquérir et d’exercer le pouvoir selon les principes démocratiques définis dans la Constitution ».

Le Comité Politique n’est pas non plus un groupement politique vu que l’article précité précise que « le Groupement politique est :

  • soit une association de Partis qui partagent les mêmes idéaux et adoptent les mêmes méthodes pour la mise en œuvre de leur programme ;
  • soit une association de personnes physiques ayant pour objet de concourir à la réalisation du programme d’un Parti politique ».

D’un strict point de vue politique ce Comité Politique ne sera pas fonder à organiser des actions politiques de masse, meetings, sit-in ou marches de protestation. Il pourra tout au plus se contenter de faire des déclarations ou des conférences, comme tout individus ou organisation de la société civil pourrait le faire. Était-ce opportun de s’autocensurer de la sorte en réduisant sa propre capacité d’action et de contestation ?

Dans tous les cas, la dénomination « Comité Politique » est trompeuse et inutilement flatteuse. En réalité, tels que les objectifs dudit comité ont été égrenés il s’assimile plus à un Think Tank (groupe de réflexion) qu’à un instrument dynamique d’actions politiques.

2 – Analyse politique du Comité Politique.

L’organisation et le fonctionnement du Comité Politique me pose un sérieux problème en tant que démocrate et défenseur de la liberté d’opinion.

En effet, dans ce Comité, le président semble être un dictateur en miniature. J’espère que ce n’est pas révélateur de la personnalité de M. Soro ni des ambitions de gouvernance qu’il nourrit pour la Côte d’Ivoire. Analyser vous même les articles 3, 4 et 5 du Comité Politique.

Art 3 : le CP examine les questions qui lui sont soumises par le président.
Art 4 : le CP est composé de personnalités choisies et nommées par décision du président.
Art 5 : les règles relatives à l’organisation, aux modalités de fonctionnement et de dissolution du CP sont fixées par décision du président.

C’est ce qui s’appelle un président omnipotent, omniscient, omniprésent. En réalité, dans cette organisation, les autres membres ne sont que des figurants. M. Soro est l’omni. Omni signifiant en latin « tout ». M. Soro est au commencement et à la fin du Comité Politique.

C’est son droit, mais évidemment ce n’est personnellement pas l’idée que je me fais d’un démocrate et de la démocratie participative. Mais bon, nous sommes en Côte d’Ivoire, le pays dont il paraît qu’il étonnera le monde.

Jean Bonin
Juriste
Citoyen ivoirien

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