Le décès d’Astori nous rappelle que seul le foot est immortel…

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SERIE A – Le Calcio a vécu une semaine très particulière après le décès de Davide Astori, une douleur immense mais aussi l’occasion – trop rare – de voir le football sous son meilleur visage.

C’est depuis San Siro avec un oeil sur Inter-Napoli et un autre sur mon chromebook que j’écris ces lignes. Le football a définitivement repris ses droits, et la trêve Astori a été officiellement entérinée lorsque la Curva Nord a entonné un O Vesuvio lavali col fuoco, sachant qu’on se savonne rarement avec de la lave ou de la cendre brûlante. Ça ne gâchera toutefois pas mon plaisir de cette semaine douloureuse. Ce drame m’a permis de palper concrètement l’alchimie footballistique, celle qui est de plus en plus difficile à trouver.

Génération désenchantée

J’ai appris la nouvelle dimanche en fin de matinée, en me connectant sur les réseaux lors que la triste info venait à peine de tomber. Je ne connaissais pas personnellement Davide Astori, mais je n’en pensais que du bien, parce qu’il a longtemps été la première solution de rechange du trio BarzagliBonucciChiellini en sélection, parce que c’était un taulier plus que respectable de la Serie A et parce que le bonhomme respirait la sincérité et la simplicité. Je l’avais même vu jouer il y a dix ans lors d’un sombre Cittadella-Cremonese de Serie C1 durant mon tour des stades italiens, activité principale de mon année Erasmus.

Et comme pour tout tifoso ou journaliste sportif, les footballeurs font un peu partie de mes proches. On les voit débuter imberbe, puis prendre des galons, puis de l’âge et assister à leur retraite est toujours un pincement au coeur, qui que ce soit. Les conditions de sa disparition, sa jeune fiancée, sa petite fille Victoria, ont rendu la situation encore plus insoutenable. Enfin, n’oubliez pas que l’Italie a enterré PierMario Morosini il y a seulement six ans. Ce qui veut dire qu’un jeune passionné italien d’une quinzaine d’années a déjà vu deux footballeurs décéder d’une crise cardiaque.

 

Le sacré…

Jeudi matin, je suis sur le parvis de la Basilica Santa Croce, un des premiers à arriver dans l’enclos réservé aux journalistes. La place se remplit, les minutes passent rapidement. Les premières manifestations sont les applaudissements aux joueurs de la Fiorentina et à toutes les délégations des autres clubs. Chaque ovation est un crève-coeur. La levée d’écharpes silencieuse au moment de l’arrivée du corbillard me scie littéralement les jambes. Des collègues commentent ces scènes en direct à la radio. Comment trouvent-ils la force de le faire ? Le cadre splendide de Florence ajoute étrangement un zeste de magie à cet instant poignant.

La sortie du cercueil après la messe est une explosion d’émotions. Un long silence, un chant de supporter, un autre long silence, etc… Le tout accompagné de fumigènes, de drapeaux qui s’agitent. Le violet n’est pas une couleur triste, au contraire, mais j’ai les larmes qui me montent aux yeux, plusieurs fois. A quelques mètres de moi, des membres de la famille de Davide s’effondrent à la vue de ce spectacle. C’est aussi ça la beauté du foot. J’ai discuté avec des supporters après la cérémonie, je ressentais un mélange de tristesse et de fierté. Une attitude très florentine que je ne saurais approfondir. Et ce n’est pas fini.

…et le profane

Je n’ai jamais autant fréquenté Florence en si peu de temps. C’est toujours la même chose, il faut un événement malheureux pour redécouvrir une ville, ou revoir des amis. Cette fois direction le stade, pour la premier match sans Davide. Arrivé à l’Artemio Franchi, je découvre le fameux mur vu à la télé. Cette clôture recouverte d’écharpes, de drapeaux et de messages sur des dizaines de mètres est en fait un véritable rempart contre la fatalité. Les dessins des plus petits me marquent plus particulièrement. Je prends alors conscience, et si j’avais perdu Paolo Maldini au même âge ? Deux heures plus tard, je suis en tribune de presse, au dernier rang, elle est remplie, on est serré, ce n’est pas du voyeurisme, on est là pour le travail mais aussi pour Astori. Il reste 45 minutes avant le coup d’envoi, j’en passe 40 à applaudir comme le reste du stade. Les chants des supporters sont à l’unisson, on perçoit la souffrance et l’injustice dans son timbre de voix.

L’entrée des joueurs sur la pelouse dans un silence de cathédrale est irréelle. La minute de silence en dure facile trois. Pas un bruit. Puis arrive ce que “j’attendais”, la fameuse minute 13. Quand le football s’arrête et reprend sa place qui est sienne, celle d’un jeu pratiqués et suivi par des hommes, aussi fragiles que le commun des mortels. Les nombreuses coïncidences du but victorieux font vaciller mes plus profondes convictions, moi qui respecte les croyances mais n’en possède aucune. La Viola souffre, mais s’impose. Un ultime chant part de la Curva Fiesole en direction de Davide qui a assisté à cette série d’hommages, de là-haut. J’aime imaginer qu’il était aux côtés de Mickaël, mon ami sarde décédé d’une crise cardiaque à l’âge de 26 ans il y a presque dix ans jour pour jour. Malheureusement, seul le foot est immortel.

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