Bouaké/L’opération du port obligatoire du casque entre dans sa phase répressive

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S’il y a un phénomène qui fâche le plus dans la capitale du centre, c’est l’incivisme des conducteurs des engins à deux et trois roues. A Bouaké, vous les verrez brûler les feux rouges comme si de rien n’était alors que pour la plupart d’entre eux, ils n’ont cure du port du casque censé leur assurer un minimum de sécurité et aux personnes qu’ils transportent. Ce qui conduit, hélas, à bien d’accidents déplorables. Selon une source du service des urgences du CHU de Bouaké, on note une moyenne de plus de 80 accidents de motos par jour.

Depuis plusieurs semaines le Commandant supérieur de la gendarmerie nationale, le Général Alexandre Apalo Touré, avait tiré la sonnette d’alarme sur l’incivisme des conducteurs de motos dans la capitale de Gbêkê qui est à l’origine de plusieurs désagréments. Notamment, de nombreux accidents avec morts d’hommes. Ce faisant, il avait donné une période de latence au cours de laquelle les forces de l’ordre, tous corps confondus, ont procédé à la sensibilisation des conducteurs sur le port obligatoire du casque. Passée cette période de sensibilisation qui a couru jusqu’au lundi 26 avril 2021 à Bouaké, les éléments de la brigade routière de la gendarmerie nationale ont entamé la phase répressive. Ainsi, aux différents grands carrefours de la ville et sur la nationale A3, qui traverse la ville du nord au sud, des contrôles inopinés et quelquefois musclés sont effectués chaque jour par les gendarmes. Des motocyclistes en infraction sont arrêtés et leurs engins saisis. Ceux-ci doivent payer une contravention de 2000 FCFA valable pour la journée sur place avec les agents de la maréchaussée. Dans le cas contraire, si le contrevenant n’a pas la liquidité sur lui, il est invité à se rendre au trésor public pour payer sa contravention. Ensuite, muni d’un casque, il se présente aux gendarmes pour le retrait de sa moto. 

Tous d’accord pour l’application stricte de cette mesure. 
Cette décision d’imposer le port du casque à tous les conducteurs d’engins de deux ou trois roues, est saluée par la population de Bouaké dans sa quasi entièreté, parmi laquelle, les chauffeurs de mototaxis qui constituent le gros lot des utilisateurs de ces engins. Et les forces de l’ordre sont bien décidées cette fois à aller jusqu’au bout.

« La route qui permet la circulation des biens et des personnes ne doit pas être le lieu de mort en cascade. C’est pourquoi sous ordre du Commandant Supérieur de la Gendarmerie Nationale, cette décision de port obligatoire du casque, qui n’est que le début du processus, sera appliquée rigoureusement », a averti le Commandant Traoré Karim, responsable de la brigade routière de la gendarmerie nationale de Bouaké.

« A Bouaké, l’on compte au bas mot 100.000 motos et tricycles qui circulent chaque jour. Si rien n’est fait, c’est un désordre intenable auquel l’on sera confronté, si ce n’est déjà le cas », s’inquiétait un riverain qui a requis l’anonymat. Soumah Aboubacar, conducteur de mototaxi.

« Au delà de tout ce que racontent certains de nos camarades, le casque garantit notre vie. Nous avons perdu plusieurs camarades par faute de port de casques. J’entends dire que le casque est gênant ou avec le casque on entend pas. Mais il faut bien choisir de vivre. Donc moi j’opte pour le casque « , a-t-il dit même s’il condamne la hausse soudaine des prix des casques. Pour cela, il invite les autorités à procéder au contrôle des prix pour ne pas que cela pousse certains à ruser avec les forces de l’ordre. 

« Nous sommes d’accord avec le contrôle du port du casque. Cela y va de notre intérêt. Avec l’indiscipline des uns et des autres, il va falloir mettre de l’ordre », a fait savoir Katia Koné, enseignant. Aboubacari Soumah, président d’un syndicat de conducteurs de mototaxis à Bouaké, compte sensibiliser ses pairs sur la mesure et les inviter à s’acheter des casques.

« De notre côté, nous allons nous organiser afin de sensibiliser nos camarades conducteurs de mototaxis sur le port du casque et la sécurité routière. Nous ne devons pas porter de casque pour les beaux yeux du policier ou du gendarme, mais plutôt pour nous protéger et protéger nos clients. Nous allons donc faire en sorte que chacun comprenne le bien fondé de cette décision pour lui-même d’abord. Ensuite, si cela ne l’intéresse pas, nous allons lui demander de protéger les autres », a-t-il souligné. 

Selon une source au service des urgences du Centre hospitalier universitaire (Chu) de Bouaké, sur près de 950 accident en 2019, 70 personnes ont été tuées, 1258 blessés dont de nombreux cas graves. Toujours selon cette même source, 80% de ces accidents sont dus à des motos dont les conducteurs n’avaient pas porté le casque. Face à ces chiffres qui donnent de la sueur dans le dos, Brahima Sako et Yacouba Koné, respectivement directeur régional des Transports et responsables régional du patronat des entreprises de transport dans le Gbêkê, se sont engagés dans la décision du Commandant Supérieur de la gendarmerie nationale pour la sensibilisation sur la sécurité routière. Et cela, diront-t-ils, commence par le port obligatoire du casque. 

« Nous allons procéder par échelon. Commençons d’abord par les conducteurs de motos. La meilleure solution, c’est d’abord amener ceux-ci à avoir l’habitude de porter le casque. Car si on va à une répression plus grande, ça peut créer encore d’autres choses. Chaque vie mérite qu’on fasse tout pour la préserver », a dit Brahima Sako, directeur régional des Transports. Selon lui, il s’avère donc nécessaire d’amener les populations à comprendre la nécessité du port du casque d’où l’action de la gendarmerie. 

Un bon début d’exécution de l’opération par les forces de l’ordre.

Pour le moment l’opération connaît un succès réel. Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis le lundi 26 avril, l’opération se déroule bien au point où il plus aisé de compter les conducteurs qui ne portent pas de casques que ceux qui en portent. Les Bouakéens ne peuvent donc plus circuler sur des engins à deux ou trois roues sans porter de casque de protection même s’il y a encore des « indélicats » qui n’ont pas encore compris le sens de la mesure. A quelque chose malheur est bon, dit l’adage. Cela fait naturellement les affaires des vendeurs de casques qui se frottent actuellement les mains. Les prix des casques sont même passés du simple au double. Un casque qui coûtait 5.500 FCFA, il y a quelques jours coûte aujourd’hui, entre 10.000 FCFA, 12500 FCFA, voire 16.000 FCFA. Une situation que dénoncent les conducteurs de moto, notamment, Aboubacari Soumah et ses camarades de mototaxi.

Les populations entre doute et espoir 

Avant cette dernière opération à Bouaké plusieurs autres avaient été initiées mais ont vite fait de s’estomper. La dernière en date, est celle lancée par le préfet de région, préfet de Bouaké Tuo Fozié en 2019.

« Avec lui, nous avons espéré. Il n’hésitait pas lui-même à être au devant de la scène. Il est allé plus loin en offrant gracieusement plusieurs dizaines de casques aux conducteurs de mototaxis. Malheureusement, ces derniers, après les avoir revendus, sont retournés à leurs premières amours: rouler sans casque. Puis l’on est retombé dans la même situation qu’avant son arrivée », a regretté Kouamé Y Yves , agent de santé. Les populations avaient également applaudi des deux mains, mais leur joie fut de courte durée. Serait-ce le même scénario, se demandent-t-elles, en souhaitant que cette fois-ci soit la bonne.

JPH

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