Report de la présidentielle au Sénégal/Une première depuis 1963. Le pays sur une pente raide

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Depuis 1963, c’est la première fois qu’une élection présidentielle est reportée au Sénégal regardé comme un de modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest, mais qui court désormais le risque d’être gagné par l’incertitude.

On peut parler de coup de théâtre au Sénégal. À quelques heures du début de la campagne électorale, le Président Macky Sall, a annoncé samedi 3 février 2024 le report sine di de la présidentielle prévue pour le 25 février prochain. Soit dans une vingtaine de jours. Sa décision a été prise au lendemain d’une introduction d’une proposition de loi par le Parti Démocrate Sénégalais (PDS), issu de l’opposition, pour retarder le scrutin en raison d’une enquête parlementaire visant le Conseil constitutionnel.

Cette nouvelle annonce intervient après que Macky Sall a signifié, il y a 7 mois, sa décision de ne pas briguer un 3e mandat avait conduit à l’apaisement du climat politique dans le pays. Malheureusement elle déclenche une vive crise politique. En effet, depuis 1963, c’est la première fois qu’une élection présidentielle est reportée au Sénégal.

« J’ai signé le décret du 3 février 2024 abrogeant le décret » du 26 novembre 2023, fixant la présidentielle au 25 février 2024, a expliqué Macky Sall dans son discours à la Nation, à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale pour le scrutin présidentiel pour lequel devaient concourir vingt candidats, sans deux ténors de l’opposition. « J’engagerai un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive », a-t-il ajouté, sans donner de date. 

L’opposition pas d’accord

L’opposition sénégalaise rejetant la décision-choc du président Macky Sall et a appelé à manifester ce dimanche à Dakar et prévoit de lancer la campagne électorale comme prévu. Khalifa Sall, un des principaux candidats à la présidentielle, a notamment appelé samedi tout le pays à « se lever » contre le report du scrutin. 

« Nous rejetons systématiquement le décret (reportant la présidentielle). Nous donnons rendez-vous ce dimanche à tous les Sénégalais pour une marche » à Dakar, a de son côté déclaré Cheikh Tidiane Youm, un porte-parole du camp de l’opposition sur la radio privée RFM. « Nous nous sommes réunis et entendus pour nous rassembler à partir de 15h pour démarrer notre campagne (électorale) de façon collective », a déclaré, sur la même radio, Habib Sy, un des 20 candidats qui devaient concourir au scrutin reporté. « Toutes les forces vives de la nation doivent s’organiser, agir et obtenir la restauration du calendrier républicain », a écrit l’intellectuel Felwine Sarr dans une tribune.

Inquiétude à l’étranger, la CEDEAO préoccupée

L’annonce faite samedi dans un contexte de grave crise politique a aussi provoqué l’inquiétude à l’étranger. Elle plonge à nouveau dans l’inconnu ce pays réputé comme un îlot de stabilité en Afrique, mais qui a connu depuis 2021 différents épisodes de troubles meurtriers. La France a appelé dimanche le Sénégal à lever les « incertitudes » créées par ce report afin que les élections puissent se tenir « dans le meilleur délai possible » et « dans le respect des règles de la démocratie sénégalaise ».

Les États-Unis sont « profondément préoccupés » par l’annonce du président Sall, a fait savoir samedi le département d’État sur le réseau social X. « Nous exhortons tous les participants au processus électoral sénégalais à s’engager pacifiquement dans l’effort important visant à fixer rapidement une nouvelle date et les conditions d’une élection libre et équitable », a-t-il écrit. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a également exprimé son « inquiétude » et demandé dans un communiqué aux autorités d’œuvrer à fixer rapidement une nouvelle date.

La Commission de la CEDEAO exprime sa préoccupation face aux circonstances qui ont conduit au report des élections et appelle les autorités compétentes à accélérer les différents processus en vue de fixer une nouvelle date pour les élections. La Commission exhorte en outre l’ensemble de la classe politique à donner la priorité au dialogue et à la collaboration pour des élections transparentes, inclusives et crédibles. Toutefois, elle salue le président Macky Sall pour avoir maintenu sa décision antérieure de ne pas briguer un autre mandat, et l’encourage à continuer de défendre et de protéger la longue tradition démocratique du Sénégal.

JPH

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