Côte d’Ivoire/Le problème, c’est lui ! Par Charles Sanga, maire de Tafiré et Directeur de Publication de Le Patriote

0
2169

Il y a trois mois, il sortait, subitement, de son long et lourd silence, depuis son acquittement par les juges de la Chambre de première instance de la Cour pénale internationale. Fin octobre 2020, à quelques jours de l’élection présidentielle du 31 octobre, Laurent Gbagbo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, surgissait sur la scène politique à travers une interview accordée à TV5, qu’il avait du reste sollicitée.

Bien qu’étant à plus de 6000 km du théâtre des opérations, il s’était jeté, les deux pieds joints, dans la bataille entre le pouvoir et l’opposition autour du scrutin présidentiel. Dans cet entretien, l’ex-Président avait pris clairement position pour l’opposition à qui il apportait son soutien, fustigeant le pouvoir ivoirien.

Comme il fallait s’y attendre, cette sortie avait quelque peu dopé le moral de ses partisans, quintuplé même leur énergie et ravivé en eux la flamme militante pour le combat. Certains pro-Gbagbo avaient vu, en cette opération de communication politique, un signal plein d’optimisme quant à son retour en Côte d’Ivoire pour prendre  sa place dans le jeu politique. Des frontistes ont évoqué  un congrès extraordinaire pour unifier les deux branches du Front populaire ivoirien : l’une légale, tenue par Pascal Affi N’guessan, président statutaire et l’autre, aux mains des dissidents appelés communément « GOR », entendez « Gbagbo ou rien». Le Gouvernement Ivoirien avait délivré deux passeports au concerné lui ouvrant la possibilité d’un retour au pays. Laurent Gbagbo lui-même, devrait jouer le jeu de l’humilité, donnant ainsi des gages aussi bien à l’opinion qu’à ses propres partisans.

Quatre-vingt dix jours plus tard, la moisson n’a pas tenu  la promesse des fleurs. Pis, l’espoir a fait   place au doute, voire au pessimisme. Car, le FPI n’a toujours pas réussi à faire son unité. Et plus grave, la fracture entre ces deux blocs s’est accentuée, si bien qu’ils vont s’affronter dans des  circonscriptions, lors des législatives du 6 mars prochain. Sur le terrain, cela promet, en perspectives, de belles empoignades entre « frères ennemis » !

Déjà, avant même les joutes électorales, le combat a commencé, avec le récent coup de colère de Pascal Affi N’guessan contre ses anciens camarades. En effet, le président statutaire du FPI a saisi, via un courrier rendu public, la Commission électorale indépendante, sur ce qu’il considère comme « l’utilisation frauduleuse du logo et du nom du FPI » par les candidats pro-Gbagbo des prochaines législatives sur les réseaux sociaux et des supports de communication.

Il estime que ses adversaires créent la confusion dans l’esprit des militants  en se faisant passer pour des candidats du FPI, alors que leurs candidatures ont été enregistrées sous la bannière de la coalition EDS (Ensemble pour la démocratie et la souveraineté), avec la bénédiction de…Laurent Gbagbo. Ce qui signifie, point de faire un dessin pour le comprendre, que celui qui est censé être le rassembleur a visiblement choisi son camp. Du moins, il a un parti-pris flagrant dans cette guéguerre entre ses disciples. Et si c’était, en définitive, Laurent Gbagbo une partie du problème ? N’est-ce pas lui qui a suscité et encouragé le fameux congrès de Mama, qui l’a porté à la tête du Front populaire ivoirien, alors qu’il était encore à La Haye ? En donnant son quitus à une telle démarche, qui s’apparente ni plus ni moins à un acte de rébellion contre l’autorité légale du FPI, Laurent Gbagbo a manifestement consacré la scission avec son poulain Affi N’guessan.

A dire vrai, Laurent Gbagbo n’a jamais voulu, à l’image de Bédié au PDCI, passer la main à la tête du FPI. Figure emblématique de cette formation politique, il veut rester indéfiniment le référent unique, la figure tutélaire autour de qui, tout doit tourner.  D’ailleurs, il a laissé entendre implicitement, lors de son entretien à TV5, qu’il n’était pas prêt pour le passage de témoin à une nouvelle génération ; arguant que « la jeunesse n’a rien demandé ». Gbagbo a-t-il changé ? La longue période passée au purgatoire de la justice internationale lui a-t-elle permis de se remettre en cause ? Aucunement, à en juger par ses méthodes avec ses propres partisans, ceux-là mêmes qui ont battu le pavé pour obtenir son acquittement. Incapable de réunifier sa propre famille politique, incapable de pardonner et de se réconcilier avec Pascal Affi Nguessan, il parle de réconciliation nationale. Pour beaucoup, la réconciliation est devenue un slogan politique dans le langage gbagboiste du moment où rien dans sa démarche, ne montre qu’il est enclin à jouer sa part. 

Quoiqu’il en soit, le FPI est aujourd’hui à la croisée des chemins. C’est un parti fragilisé, miné par des dissensions internes, les guerres de tranchée entre ses cadres et militants, qui joue sa survie sur l’échiquier politique national dans un mois. S’il est laminé, comme on le pressent, il pourrait ne plus se relever. Pour ne pas dire redevenir le parti fort qu’il était, il y a une décennie, du temps du règne de Laurent Gbagbo. Et le mythe de l’ex-président tribun et démagogue serait brisé… une  fois encore !

Charles Sanga

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici